Les élections législatives du 26 octobre ont révélé de nouvelles pratiques qui ont fait du sport, le football en premier lieu, un tremplin vers le pouvoir politique...
Par Marouen El Mehdi
Ce n'est pas un nouveau phénomène, mais la tendance ne cesse de se confirmer et de tenter beaucoup de figures sportives qui ambitionnent de passer de l'ambiance des stades à celle de l'Assemblée du Bardo ou carrément du palais présidentiel de Carthage!
En Tunisie, on a vu pas mal de ministres présider, en parallèle, des clubs sportifs huppés (Hassen Belkhoja à l'EST, Hamed Karoui à l'ESS, Azzouz Lasram au CA...), mais ces derniers avaient débarqué dans le monde du sport alors qu'ils étaient déjà connus et ils n'avaient pas grand-chose à gagner dans l'affaire sauf satisfaire leur passion.
De nos jours, ces chercheurs de notoriété et de popularité sont en train de faire le chemin à l'inverse : atterrir dans un club, y prendre le pouvoir moyennant des sacrifices financiers parfois récupérables à plusieurs niveaux et tracer une stratégie pour fructifier cet investissement.
De Slim Chiboub à Slim Riahi
On ne parlera pas, ici, de Slim Chiboub, l'ex-président de l'Espérance qui avait un statut particulier en faisant une exception, car être le gendre du président de la république n'est pas à la portée de tout le monde.
Il a fallu ce changement de décor le 14 janvier 2011 pour voir les choses prendre une nouvelle tournure. Le sport s'est avéré l'un des moyens les plus faciles et les plus pratiques pour se faire un nom et une carrière politique.
Slim Riahi l'a vite compris, lui l'archi-milliardaire, capable d'affoler et d'enchanter les plus ambitieux et les plus exigeants des supporters. Après avoir fait les yeux doux, sans grand succès, du côté de Sfax et de Sousse, il a pu trouver un chemin vers le Parc A dans une «institution nationale», le Club Africain, qui avait pourtant cette particularité de voir seulement les enfants du club veiller sur ses destinées.
Grâce à l'appui de certains dirigeants influents, cet homme qui a fait sa fortune en Libye a pu franchir le seuil pour amorcer une spectaculaire remontée vers les premières loges de ce club. Il a pu pleinement profiter du vide puisque les noms les plus connus dans la sphère clubiste ont boudé le club pour diverses raisons.
Grâce à sa disposition à aider les Rouge et Blanc et surtout à remplir un vide devenu de plus en plus inquiétant pour les supporters, il a conquis les esprits, ceux qui pensaient au bien de leur club et ceux qui voulaient en profiter, et il n'a pas rencontré de difficultés pour se présenter en seul candidat à la présidence, une première fois il y a deux ans, et une seconde il y a juste quelques semaines.
Ce tremplin par excellence a permis à Riahi de viser encore plus haut, d'autant qu'il a déjà acquis de l'expérience après sa désastreuse participation aux législatives de 2011. Moralement soutenu par les supporters clubistes, présents un peu partout à travers le pays, il a mis de l'ordre dans son parti pour aller séduire les citoyens, surtout dans les cités populaires du Grand Tunis, parfois même dans les propres fiefs d'Ennahdha ! le résultat est là et la présidence du Club Africain, malgré tout ce qu'elle exige comme sacrifices financiers, a permis à cet ancien ami des Kadhafi de surprendre pas mal d'observateurs avec cette troisième place acquise par son parti, l'Union patriotique libre (UPL) aux législatives. Mieux encore : l'enfant de Bizerte brigue le palais de Carthage, et, dans cette course, il compte bien mettre toutes les chances de son côté.
Des émules un peu partout
A Sfax, comme à Sousse, Riahi a fait des émules. Moncef Sellami, l'imposant homme d'affaires et ancien président du CSS, a tenu à vivre la même expérience, encouragé qu'il était par les fidèles de Nida Tounes qui ont compté sur sa notoriété et son influence à Sfax, et pas seulement au sein des supporters du club Noir et Blanc.
Engagé dans une ville où la concurrence avec Ennahdha est des plus dures, il a fini par s'imposer, grâce surtout à son statut d'ex-président de l'équipe locale, connaissant la passion des Sfaxiens pour le football et pour leur team.
Non loin de là, à Sousse, le président de l'Etoile du Sahel, Ridha Charfeddine, a tenté la même aventure malgré sa modeste expérience à la tête du club. Pharmacien de formation et brillant homme d'affaires, il n'a pas hésité à plonger dans un monde qui lui est étranger puisqu'il n'est pas passionné de politique. Là aussi, c'est cet avantage de présider le club phare de la région qui a fini par lui ouvrir les portes du succès et de lui offrir le statut d'élu du peuple à l'ANC.
C'est dire que football et politique ont fonctionné avec une grande harmonie lors des législatives du 26 octobre 2014. Reste à savoir si ces mêmes responsables sportifs vont encore s'investir en matière de sport comme ils l'ont fait avant ou bien si leurs futures ambitions, l'appétit venant en mangeant, dépassent le «simple» poste de président de club.
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