Après l'ouverture par le parquet d'une enquête sur les appels à la haine de son partisan Imed Dghij, Moncef Marzouki tente de calmer ses troupes déchaînées.
Par Zohra Abid
Le 2 novembre 2014, Moncef Marzouki a donné le coup d'envoi de sa campagne électorale pour la présidentielle du 23 novembre 2014, à la salle Le Colisée, à Tunis, devant des centaines de ses partisans, dont de nombreux activistes des Ligues de la protection de la révolution (LpR), des milices violentes au service du parti islamiste Ennahdha et du Congrès pour la république (CpR), le parti de M. Marzouki, dissoutes au début de 2014 par une décision de justice.
Des partisans sans freins
Ce jour-là, M. Marzouki s'est attaqué, dans un discours enflammé, aux «cellules dormantes du RCD», l'ancien parti au pouvoir, et aux médias qualifiés de «stupides», appelant ses partisans à sortir dans les rues pour défendre leur révolution et appeler à voter pour lui, seul capable, selon lui, de faire barrage au retour des Rcdistes.
Ces appels ne sont pas tombés dans des oreilles de sourds. Puisque, quelques heures plus tard, des groupes conduits par l'agitateur islamiste Amine Agrebi (alias Recoba) et Imed Dghij, leader des Hommes de la Révolution du Kram, connus pour leur hostilité à Nida Tounes, à Béji Caïd Essebsi et à tous les démocrates progressistes, ont investi l'avenue Habib Bourguia, appelant à soutenir de Moncef Marzouki et à faire barrage aux «azlem» (sbires) de l'ancien régime, en proférant des menaces.
Imed Dghij, qui n'est pas du genre à peser ses mots, a, de son côté, annoncé sur sa page Facebook le programme d'une campagne en faveur de l'élection de Moncef Marzouki et prévenu d'un «bain de sang» dans le pays «si Béji Caïd Essebsi venait à remporter la présidentielle».
L'agitateur a même appelé ses partisans à lancer une seconde révolution, plus féroce que celle du 14 janvier 2011, qui a chassé Ben Ali du pouvoir. «Nous, petit peuple et agents de sécurité, allons éradiquer les racines de la corruption. La Tunisie appartient à son peuple et non à Letaïef (par allusion à l'homme d'affaires Kamel Letaïef, soupçonné d'être la matière grise des démocrates progressistes, NDLR) et ses semblables», a-t-il écrit. Et d'ajouter sur un ton menaçant: «Il ne sera pas aussi facile pour les Rcdistes de gouverner de nouveau le pays. Pour nous, il n'y a pas de choix entre la vie digne et la mort !». Traduire: «Aux armes citoyens!»
«Tunisiennes, Tunisiens, voter Caïd Essebsi c'est choisir la dictature, l'oppression et l'injustice. Votez donc Moncef Marzouki», a encore lancé Imed Dghij à ses partisans, ajoutant qu'il ne s'agit pas là d'une campagne électorale, mais d'une révolution qui doit être féroce pour barrer la route aux «azlem» cherchant à reprendre du service (sic!).
Face à ces menaces, la sécurité a été renforcée, dès le 3 novembre, autour du domicile du leader de Nida Tounes, à la Soukra. Il y avait vraiment à craindre pour la vie de M. Caïd Essebsi...
Le lendemain, jeudi 4 novembre, le parquet a ordonné l'ouverture d'une enquête sur les appels à la violence de Imed Dghij.
Qui sème le vent, récolte la tempête...
Ne pouvant endosser les conséquences des paroles et des actes d'un partisan aussi sulfureux, la direction de la campagne de Marzouki s'est fendue, le même jour, d'un communiqué condamnant, en termes très généraux, «les déclarations et les appels à la violence émanant de certains individus, par-delà le candidat qu'ils soutiennent» et appelant «les partisans de Moncef Marzouki à respecter l'éthique de l'action politique et les règles de saine concurrence».
Le problème c'est que les appels à la violence n'ont émané jusque-là que des... partisans de M. Marzouki. Il s'agit donc là d'un auto-appel à l'ordre. Reste à espérer que M. Marzouki sera être entendu par ses partisans et qu'il ne sera pas amené à assumer la responsabilité de leurs éventuels dérapages ou coups fourrés...
Ne dit-on pas «Qui sème le vent, récolte la tempête» ?
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