Kalthoum-Kennou-banniere

L'Histoire retiendra certainement le nom de Kalthoum Kennou, seule Tunisienne «qui a osé» se porter candidate à la présidentielle.

Par Moncef Dhambri

Au-delà de sa brillante et tumultueuse carrière professionnelle et son militantisme au sein de l'Association des magistrats tunisiens (AMT) qui lui a valu toutes sortes de brimades et de chantages, et au-delà de l'attention que suscite, auprès des médias nationaux et internationaux, sa participation à la première élection présidentielle libre de la Tunisie, ou ne suscite pas, sa simple présence dans cette course a dimension de projet. Tout un projet.

Qu'importe le score!

Kalthoum Kannou – qu'elle-même veuille le dire ou pas – est à l'opposé de ce que les islamistes d'Ennahdha et autres machismes tunisiens, affichés ou tus, souhaitent établir en Tunisie.

Les scores du 23 novembre 2014 importeront peu. Que Kalthoum Kennou atteigne ou n'atteigne pas le second tour de la présidentielle importera peu, également. La signification de la candidature de cette femme la place bien au-dessus de ces considérations politiciennes ou partisanes et bien au-dessus du lot des 26 autres concurrents.

En déposant sa candidature, le 20 septembre, la magistrate a déclaré qu'elle entendait envoyer «un message fort à l'ensemble des Tunisiens que la femme tunisienne peut entrer en concurrence avec les hommes pour briguer les postes de décision politique». Elle a ainsi, volontairement, situé le débat sur le terrain des sables mouvants de la parité femme-homme. A dessein, Kalthoum Kennou souhaite que, le jour du scrutin présidentiel, les électeurs et électrices aient à se prononcer sur cette question de l'égalité des sexes.

En d'autres termes, que ceux d'entre nos concitoyens qui se contenteraient de la tristement célèbre «complémentarité homme-femme» le disent clairement. Que les autres qui prétendent que «le deuxième sexe» vaut en tout «le sexe fort» le disent, également, tout haut et sans ambages.

Bien évidemment, imposer pareil choix, ainsi que Mme Kennou le fait, à un moment où le pays fait face à tant d'autres problèmes graves peut sembler inopportun. L'on pourrait supposer que la Tunisie a d'autres priorités et d'autres préoccupations. La candidate Kalthoum Kennou vient donc nous dire que la cause de la femme ne devrait pas attendre d'autres temps plus cléments. Pour elle, c'est précisément en ce tournant décisif de l'histoire de notre pays, que les droits de la femme tunisienne et ses libertés ont besoin du soutien le plus franc et le plus fort. Elle vient nous rappeler que, pendant un demi-siècle de notre indépendance, nous avions pris l'égalité femme-homme pour chose acquise et nous ne nous en étions plus souciés...

Kalthoum-Kennou-magistrate

L'ex-présidente de l'Association des magistrats tunisiens.

La cause de la femme n'attend pas

Pour Kalthoum Kennou, des temps meilleurs et des conditions économiques, politiques et sociales plus propices pourraient requérir plus d'un mandat quinquennal (législatif ou présidentiel). Rattraper les accumulations de retards dont la Tunisie souffre aujourd'hui et réparer les erreurs commises par les gouvernements islamistes de Hamadi Jébali et Ali Laarayedh pourrait nécessiter une quinzaine d'années, à tout le moins.

Tous les «fers» de la Révolution doivent être battus en même temps, pour qu'il n'y ait aucun oubli, ni aucune omission. En somme, pour qu'il n'y ait aucun regret, le slogan «Liberté, Dignité et Justice» devra également se conjuguer, explicitement, au féminin.

La candidature de Kalthoum Kennou est donc cette autre épreuve décisive à laquelle notre 14 janvier 2011 doit aussi se soumettre. Les voix qui se porteront sur son nom, le 23 novembre, seront autant de preuves que la Tunisie est vigilante. Elles seront autant d'assurances que l'islamisation du pays, selon les termes du projet nahdhaoui, n'aura aucune chance de passer et autant de garanties qu'une partie importante de l'opinion tunisienne est là pour barrer la route à toutes les formes de sexisme, déclaré ou caché....

Voter pour Mme Kennou, au premier tour, peut être aussi «utile» que le vote en faveur de Nida Tounes aux législatives du 26 octobre et aussi «intelligent» que le vote pour Béji Caïd Essebsi, au second tour de la présidentielle, le 28 décembre.

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