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Mustapha Kamel Nabli, candidat indépendant à la présidentielle, a annoncé, hier soir, en direct sur Nessma TV, sa décision de jeter l'éponge. Sans convaincre...

Par Moncef Dhambri

Alors que le public de Nessma TV est venu se plier au rituel quotidien, sans saveur ni odeur, de l'émission ''La route de Carthage'', l'invité du soir, Mustapha Kamel Nabli a donc choisi d'annoncer qu'il a pris la décision de se retirer de la compétition. L'atmosphère est trop malsaine, a expliqué l'ex-gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), et Moncef Marzouki, notamment, a envenimé le débat.

Une atmosphère «pourrie»

Visiblement très troublé par cet abandon, il a lu un texte, rédigé à la va-vite, où il a tenté d'expliquer les raisons de ce départ inattendu. Il a surtout mentionné les manières perverses dont Moncef Marzouki et ses sbires des Ligues de la protection de la Révolution (LPR) et autres cheikhs salafistes font usage pour rendre impossible la campagne des autres concurrents, les faiblesses de l'Isie et autres autorités à faire respecter l'ordre et le fair-play, et l'argent sale et les gros sous qui ont «pourri» la confrontation des idées, etc.

En somme, M. Nabli, ne sentant plus dans son élément, a donc préféré tirer sa révérence, pour l'élection du 23 novembre 2014, et laisser entendre à mots très couverts qu'il pourrait envisager, en des temps plus cléments, un retour sur la scène politique.

Est-ce bien raisonnable d'avoir fait ce qu'il a fait, d'avoir planché – sérieusement? – sur sa participation à la course, d'avoir décidé de concourir, d'avoir mobilisé toute une équipe, des ressources financières et des volontaires, d'avoir préparé et rédigé manifeste et un programme et de s'être dépensé pendant deux mois à expliquer ce qu'il pourrait changer dans le pays si les Tunisiens l'élisaient président de la République, pour qu'en fin de parcours il se retire de cette manière, à 5 ou 6 jours du premier tour?

Est-ce bien courageux? Est-ce bien honnête?

Quand on aime la Tunisie, comme M. Nabli l'a dit et répété hier, quand «on souhaite rendre à son pays ce qu'il nous a donné» (comme il l'a dit et répété), et quand on a une vision pour changer les choses et des solutions pour venir en aide à ses concitoyens, on n'a pas le droit de quitter ainsi la partie.

Sauf erreur de notre part, un candidat à la présidentielle, un véritable candidat à la présidentielle, où qu'il soit (dans une démocratie prouvée depuis plus de deux siècles, comme aux Etats Unis, ou naissante, comme en Tunisie), doit s'attendre à des contrariétés, à toutes de sortes de «crasses» voire d'irrégularités. Une course à la présidence n'a jamais été une promenade de santé et ne le sera jamais. Le niveau des bassesses peut varier d'une présidentielle à une autre, d'un pays à un autre, il peut être tout à fait intolérable, il peut être assassin (au sens «propre» comme au figuré), mais il ne sera jamais au degré zéro.

Mustapha-Kamel-Nabli-et-Nasreddine-Ben-Hadid

Les passage de Mustapha Kamel Nabli à la télévision (ici sur Al-Hiwar Ettounsi) n'ont pas été un succès.

Ça ne pouvait être une sinécure

M. Nabli aurait dû savoir que certains de ses adversaires allaient lui rendre la vie difficile. Il aurait dû savoir qu'un obsédé du pouvoir comme le président sortant Moncef Marzouki allait s'agripper comme il pourrait et qu'il n'allait pas hésiter à recourir à tous les moyens possibles, imaginables et inimaginables, pour garder les clefs du Palais de Carthage. Il aurait pu également deviner assez facilement que de richissimes candidats allaient inonder les rues de nos villes de leurs affiches publicitaires géantes jusqu'à rendre les panneaux de sa campagne presqu'invisibles. Bref, il aurait dû s'attendre à ce que se lancer dans la course présidentielle ne pouvait être une sinécure.

Etre candidat à une élection présidentielle reste un esprit, une structure mentale, toute une culture et une volonté politique d'aller jusqu'au bout. M. Nabli est en train de faire son apprentissage. Une chance lui a été donnée, en 2014, de se faire connaître auprès des électeurs. Il l'a essayée, mais il n'a pas souhaité saisir entièrement cette opportunité. Il a perdu «quelque chose» en reculant avant le saut final du 23 novembre – ce quelque chose pourrait être la crédibilité qu'il est apte à devenir, un jour, le deuxième chef de l'exécutif de la nouvelle République de Tunisie.

Le chemin du confortable bureau, qu'il a occupé à la BCT, au Palais de Carthage est désormais nettement plus long que ce qu'il n'était le jour où il a déposé sa candidature.

M. Nabli, un mandat présidentiel de cinq années, après la Révolution du 14 janvier 2011, ne s'offre pas sur un plateau. Un tel honneur se mérite à la sueur du front, à l'audace d'affronter les adversaires, honnêtes et malhonnêtes, à se mesurer aux brillants d'entre les compétiteurs et à les surclasser.

Le courage vous a manqué... Vous aviez été trop «candide». Vous auriez dû réfléchir à deux fois. Vous allez devoir attendre...

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