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Même s'il semble que M. Caïd Essebsi dispose d'une confortable avance sur Moncef Marzouki, à l'issue du 1er tour de la présidentielle, rien n'est encore vraiment joué.

Par Moncef Dhambri

En effet, la victoire du candidat de Nida Tounes n'est pas entièrement garantie. Et tout dépendra du comportement des électeurs de MM. Hammami, Riahi et El-Hamdi. Mais pas seulement...

De fait, les candidats du Front populaire (FP), de l'Union patriotique libre (UPL) et du Courant Al-Mahaba détiennent, grosso modo, selon les sondages réalisés à la sortie des urnes, un bon 19% des voix qui se sont exprimées lors du premier tour des premières présidentielles libres de l'histoire du pays.

Ce modeste total d'un cinquième des votes exprimés pourrait faire la pluie et le beau temps du second tour.

5 petits points pour que BCE gagne

En attendant l'annonce officielle et définitive des résultats de ce premier round de la présidentielle 2014 – qui revient, bien évidemment, à notre Instance supérieure pour l'indépendance des élections (Isie) –, nous nous sommes basés sur les résultats des 3 instituts de sondages (Sigma Conseil, Emrhod Consulting et 3C Etudes) qui ont publié leurs résultats et nous avons essayé d'établir une moyenne pour les 5 premiers candidats de cette course présidentielle. Nos calculs ont donné les pourcentages suivants: Béji Caïd Essebsi (BCE) aurait ainsi 44,9%, Moncef Marzouki 30,1%, Hamma Hammami 10,2%, Slim Riahi 6,03% et Hechmi Hamdi 3,1%.

Bien sûr, les théoriciens de la «science» statistique et les politologues nous diront que l'avance de BCE sur son concurrent immédiat, Moncef Marzouki, est si confortable (plus de 14 points) et qu'il ne manque au candidat de Nida Tounes que quelques petits points (5,2%) pour rafler la mise présidentielle, c'est-à-dire les 50,1% nécessaires à la victoire.

Pourtant, rien n'est certain. Pour au moins deux raisons, le deuxième tour, prévu le 28 décembre 2014, ne sera pas une promenade de santé pour M. Caïd Essebsi: son issue va dépendre du comportement des différents électorats des adversaires de BCE qui ont été classés 3e, 4e et 5e au premier tour et également de l'attitude de ces candidats eux-mêmes – et de leurs stratégies.

Tout dépendra, d'abord, du sens politique (économique, social et autres) que les électeurs qui ont voté pour MM. Hammami, Riahi et El-Hamdi ont voulu donner à leurs bulletins de vote, le 23 novembre. La question, qui restera sans réponse jusqu'au 28 décembre, consiste à savoir si ces électeurs vont se reconnaître ou non en M. Caïd Essebsi et en son parti, Nida Tounes – ou en Moncef Marzouki.

L'électorat FP reste à part...

Dans le cas de ces 3 électorats, l'incertitude est quasi-totale car leurs conscience, maturité et expérience politiques ne sont pas entièrement «fiables». Pour les électeurs qui ont voté pour Slim Riahi et Hachemi El-Hamdi, le populisme des candidats n'a jamais été programmatique; il a plutôt été un ramassis de petits thèmes improvisés, de promesses fantaisistes et de slogans creux, qui ont certes valu aux deux candidats des scores défendables (6 et 3%, respectivement) mais qui risquent de fondre comme neige au soleil, au second tour, en l'absence des deux leaders et de la dynamique de leur campagne du premier tour.

Le cas des électeurs de Hamma Hammami est quelque peu à part. L'on est tenté d'emprunter à une certaine «sagesse populaire» qui veut croire que l'électorat du candidat du FP est constitué d'intellos, de soixante-huitards, de marxistes-léninistes, d'étudiants, de syndicalistes, des «couches populaires», etc. qui, par principe et par conviction, ne se laisseraient pas attirer facilement par le candidat nidaïste...

Ces 3 électorats deviennent ainsi imprévisibles. Et ils le seront encore plus dans le cas où MM. Hammami, Riahi et El-Hamdi ne leur donneront pas de consignes de vote précises. En l'absence d'un mot d'ordre clair et net de la part des perdants du premier tour, les reports de voix seront pour le moins fantaisistes et incertains: sur quel principe pourra se fonder, au second tour, le choix d'un électeur qui a voté, au premier tour, pour le candidat du FP, de l'UPL ou du Courant Al-Mahaba? Pour quelle raison votera-t-il pour BCE ou Moncef Marzouki? Ou, tout simplement, pour quelle raison ira-t-il voter?

Rien n'est donc sûr.

Les 5,2 points de pourcentage supplémentaires dont M. Caïd Essebsi a besoin pour obtenir un mandat présidentiel seront peut-être difficiles à récolter, si M. Hamma Hammami refuse de soutenir franchement et publiquement le candidat de Nida Tounes. Les 20% qui manquent à Moncef Marzouki pour prolonger de 5 autres années son bail au Palais de Carthage seront, eux aussi, inatteignables, si MM. Riahi et El-Hamdi ne s'engagent pas clairement et officiellement à ses côtés et qu'Ennahdha ne mobilise pas sans détour ses troupes en faveur de son allié Cpriste.

L'Isie rectifiera, dans les 2 prochains jours, les sondages de sortie des bureaux de vote de quelques petits points par-ci et de quelques courts pourcentages par-là, mais l'essentiel demeurera le même: au second tour, la partie sera serrée entre BCE et Moncef Marzouki et nul ne sera capable d'affirmer avec certitude qui sera le locataire du Palais de Carthage pour les 5 prochaines années.

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