La gauche doit sanctionner les marionnettistes (islamistes) en infligeant une déculottée à leur servile larbin (Marzouki). Et reprendre son rôle d'opposition.
Par Houcine Bardi*
Disons-le d'emblée, le vote au second tour de l'élection présidentielle tunisienne pose un sacré problème pour un certain nombre de «puristes» de gauche. La parade, pour ceux d'entre eux qui ne s'abstiendront pas, serait de voter blanc. Le messgae se veut clair : aucun des «deux survivants du premier tour» n'emporte la conviction d'un vote «authentiquement» de gauche; le premier (Béji Caïd Essebsi) représenterait le risque d'une «résurgence» de l'ancien régime contre lequel plusieurs générations d'hommes et de femmes de gauche ont lutté leur vie durant; quant au second (Moncef Marzouki) il incarne la «promesse» de la reconduction (à la tête de l'État) de la médiocrité populiste adossée à l'intégrisme islamiste le plus brutal et le plus passéiste.
S'opposer à l'imposture islamiste
C'est le choix le plus facile... mais pas forcément le plus juste !
Rejeter dos-à-dos les deux candidats (avec une aussi naïve simplicité) parce qu'on ne se reconnaît dans aucun d'entre eux, équivaut à «déserter» le champ de la bataille électorale. C'est une attitude – n'en déplaise à ceux qui s'ingénient à la légitimer – démissionnaire. Se donner bonne conscience (citoyenne) en «faisant l'effort» d'aller voter pour enfin déposer un bulletin blanc dans l'urne est une demi-mesure qui ne sied guère à celui/celle qui aspire à maîtriser son destin, y compris dans l'adversité.
Voter ce n'est pas uniquement choisir un favori, ou sanctionner un sortant. C'est aussi, parfois, choisir son adversaire de demain. Le vote blanc n'a de sens véritable que lorsqu'il a la majorité pour lui. Cela suppose tout d'abord qu'il soit comptabilisé, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui en Tunisie. Il suppose ensuite (pour être efficace) qu'il conduise à «rejouer la partie» avec d'autres candidats plus satisfaisants. Et cela est une chimère dans l'état actuel des choses.
Lors de la première élection législative égyptienne consécutive à la révolution, la gauche avait fait le choix «enfantin» du boycott. Elle s'était ainsi sanctionnée (autoflagellée) elle-même puisque l'assemblée qui en est sortie était quasi intégralement intégriste! En 2002, «le peuple de gauche» n'a pas hésité à voter pour Chirac et infligé ainsi une défaite cuisante bien méritée au candidat de l'extrême droite raciste (Le Pen père). Ce n'est pas pour autant que cette gauche là aurait perdue son âme. C'est la République qui en est sortie vainqueur.
Prétexter du fait que voter franchement (et sans états d'âme!) contre l'imposture islamiste à visage marzoukien serait forcément une adhésion aux thèses du candidat de Nida, est lui-même une imposture. C'est un lieu commun que de dire que le second tour a souvent été celui de l'élimination (au premier tour on choisit, au second on élimine). Cela veut tout dire : ce n'est nullement un choix d'adhésion, mais de raison... qui recommande de prendre activement part dans la sélection démocratique de celui contre lequel on veut s'opposer demain.
Renvoyer le candidat déguisé des intégristes
Ne nous trompons pas d'adversaire, et faisons confiance au peuple tunisien pour se prémunir contre toute hypothétique régression. La société tunisienne est désormais efficacement immunisée contre «les restaurations»... du vieux comme du nouveau ancien régime.
Quant à nous, abandonnons sans regret cette posture puriste infructueuse faite de «vertueuse indignation» (Martinet), et engageons-nous pleinement dans la prochaine bataille. Sartre disait : «L'art n'a jamais été du côté des puristes». La politique étant elle-même un art... celui du compromis (sans compromission). Soyons donc, en ce sens, «artistes»... et renvoyons aux oubliettes le candidat déguisé des intégristes – pour ne pas employer une expression davantage plus méchante.
Sanctionnons sans ménagement ni retenue la lâcheté méprisable des marionnettistes en infligeant une déculottée mémorable à leur servile larbin... et retroussons, d'ores et déjà, nos manches pour exercer, sans la moindre concession, notre rôle d'opposants lucides, constructifs et responsables (à l'égard de ceux qui ont choisi d'accorder leur confiance aux élus et candidat de gauche).
* Docteur en droit, avocat au Barreau de Paris.
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