Chokri Belaid, avocat et défenseur des droits de l'homme, assassiné par des extrémistes religieux, le 6 février 2013, aurait pu fêter aujourd'hui ses 50 ans.
Par Yüsra N. M'hiri
Né à Jebel Jeloud, une cité ouvrière située à la lisière sud de Tunis, le 26 novembre 1964, Chokri Belaïd a étudié le droit en Irak et à l'université Paris-VIII, en France. Dirigeant de l'Union générale des étudiants de Tunisie (Uget) dans les années 1980, il est arrêté, en avril 1987, et détenu à Rjim Maâtoug, au sud-ouest de la Tunisie, pour son activisme politique. Il sera relâché en novembre de la même année, au lendemain de la prise du pouvoir par Ben Ali.
En 2008, Chokri Belaïd dénonce la répression du mouvement de protestation au bassin minier de Gafsa et dirige un groupe d'avocats chargés de défendre les meneurs de ce mouvement social, qui marque le début réel de la révolution tunisienne. Il défend également la cause des islamistes réprimés sous Ben Ali.
Chokri Belaid et son camarade de combat Hamma Hammami.
Après la révolution de 2011, il devient membre de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique (Hiror). Il est également élu membre du Conseil de l'Ordre national des avocats.
Le 12 mars de la même année, le Mouvement des patriotes démocrates, qu'il a cofondé, est enfin légalisé et, le 2 septembre 2012, change de dénomination et devient le Parti des patriotes démocrates unifié (Watad), en intégrant des militants d'autres horizons.
Deux mois plus tard, Chokri Belaïd participe à la création du Front populaire, coalition regroupant des partis de gauche et nationalistes arabes. Son ambition: «Créer un large front de gauche œuvrant pour la liberté, l'égalité, la justice et la démocratie».
Fervent opposant aux extrémistes religieux, et au parti islamiste Ennahdha, qui a accédé au pouvoir à l'issue des élections du 23 octobre 2011, Chokri Belaïd s'est illustré par ses discours virulents contre l'intégrisme religieux et les dérives de la troïka, l'ex-coalition au pouvoir. Il a notamment dénoncé la montée du terrorisme en Tunisie. Ses positions lui ont valu des menaces de mort, qui ont, malheureusement, été mises à exécution, le 6 février 2013, lorsque des extrémistes religieux, membres d'Ansar Charia, l'ont criblé de balles alors qu'il sortait de son domicile. Il a laissé derrière lui une épouse, Me Basma Khalfaoui, qui poursuit son combat avec une rare abnégation, et 2 fillettes (Nada et Nayrouz), ainsi que des milliers de militants de gauche, inconsolables, mais unis et mobilisés.
L'assassinat de Chokri Belaid déclenche un tremblement de terre en Tunisie. Plusieurs manifestations ont lieu partout dans le pays. Son enterrement rassemble plus d'un million de Tunisiens : un grand moment d'émotion et de ferveur patriotique dont on n'a pas fini de saisir la portée historique. En effet, la crise provoquée par sa mort, dont
Ennahdha a été rendu responsable, conduit au départ du gouvernement islamiste conduit par Hamadi Jebali.
Manifestation hebdomadaire «Qui a tué Chokri?», aujourd'hui, à l'Avenue Habib Bourguiba, à Tunis.
Près de 2 ans après le drame, les Tunisiens demandent encore : «Qui a tué Chokri?». C'est, d'ailleurs, le slogan d'une manifestation hebdomadaire qui se tient tous les mercredis devant le ministère de l'Intérieur, à Tunis.
Aujourd'hui, mercredi 26 novembre 2014, les membres de la famille Belaïd, les partisans du Front populaire et de simples citoyens se sont rassemblés à l'avenue Habib Bourguiba, à Tunis, pour exiger toute la vérité sur la mort du dirigeant de gauche. Alors que l'enquête judiciaire traîne encore dans les méandres de la justice.
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