«Ce projet de loi va permettre au président intérimaire (Foued Mebazaa) de prendre des décrets-lois, conformément à l’article 28 de la Constitution», a déclaré le Premier ministre devant les députés réunis en session plénière au palais du Bardo, siège du Parlement, pour la première fois depuis la chute de Ben Ali.
177 pour, 16 contre et 2 abstentions
«Le temps est précieux. Ces décrets-lois, la Tunisie en a vraiment besoin pour écarter les dangers» qui menacent les acquis de la révolution populaire, a martelé M. Ghannouchi.
«La Tunisie est confrontée à des dangers. Il y a des personnes qui veulent faire revenir la Tunisie en arrière mais nous devons honorer nos martyrs qui se sont battus pour la liberté», a-t-il insisté, appelant les 195 députés présents (sur 214 élus) à adopter le texte qui devra ensuite passer devant la Chambre des conseillers (Sénat).
Alors que les députés se prononçaient sur ce «projet de loi portant habilitation du président de la république par intérim à prendre des décrets-lois», selon l’ordre du jour unique de la session, à l’extérieur du palais du Bardo, des centaines de manifestants se sont regroupés pour réclamer la «dissolution du Parlement», dominé à 80% par le Rassemblement constitutionnel démocratique (Rcd), l’ex-parti au pouvoir sous Ben Ali.
Finalement, après un débat qui a duré cinq heures, 177 députés ont voté pour, 16 contre – il s’agit des représentants des petits partis d’opposition légaux proches de Ben Ali –, alors que 2 élus du Rcd se sont abstenus.
La Chambre des conseillers (sénat) doit se prononcer mercredi sur ce texte qui doit être ratifié par le président Mebazaa, puis publié au journal officiel.
Le Rcd ne veut rien lâcher
La bataille contre le Rcd avait franchi un premier palier, dimanche soir, avec l’annonce par le ministère de l’Intérieur de sa «suspension» avant une «dissolution» programmée et de plus en plus réclamée à travers le pays.
Dans son communiqué le gouvernement, qui depuis plusieurs jours évoque un «complot» rampant qui serait l’œuvre d’hommes de mains payés par le Rcd, a invoqué son «souci de préserver l’intérêt suprême de la nation et d’éviter toute violation de la loi».
Concrètement, l’intouchable parti du temps de Ben Ali, qui se targuait d’avoir 2 millions d’adhérents dans un pays de 10 millions de personnes, n’a pour l’instant plus le droit d’organiser de réunions ni de rassemblements, et tous ses locaux sont fermés.
Mais nombre de ses cadres noyautent encore les administrations et la police. Et l’opposition redoute que le Rcd, seul parti à disposer de structures dans tout le pays, ne rafle la mise lors des élections prévues dans six mois.
Un délai jugé désormais trop court par un nombre croissant de formations politiques, y compris celles représentées au gouvernement.
Cette offensive anti-Rcd intervient sur fond de fortes tensions dans diverses régions du pays (nord, sud et centre), alors que le gouvernement vient d’alléger le couvre-feu en vigueur depuis le 12 janvier, après un grand coup de balai à la tête de la police.
Les nominations récentes de 24 nouveaux gouverneurs de provinces ont du mal à passer. Dans plusieurs régions, des manifestants ont rapidement réclamé leur départ pour cause de «RCDisme».
Le gouverneur de Gafsa (centre-ouest) a ainsi dû quitter dimanche ses bureaux sous protection militaire.
Plus au nord, la ville du Kef a connu un week-end d’émeutes, orchestrées par le Rcd selon de nombreux habitants. Deux personnes ont été tuées samedi par un commissaire de police, l’immeuble de la police a été incendié deux fois, et des pillards ont semé la panique.
Source : agences.