Moncef Marzouki doit trouver d’autres arguments qu’«ettaghaouel» (hégémonisme), pour empêcher Béji Caïd Essebsi d’être le prochain locataire du Palais de Carthage.
Devenue thème principal de l’offensive d’Ennahdha et d’autres partis, au lendemain de l’annonce des résultats des législatives, et relayée avec beaucoup de hargne par Moncef Marzouki, le candidat du Congrès de la république (CpR) au 2e tour de la présidentielle, l’idée qu’il y a danger pour la démocratie à ce que le Nidaa Tounes domine tous les rouages de l’Etat n’a aucune espèce de fondement, estime le Pr. Yadh Ben Achour. Invité, vendredi 28 novembre 2014, de l’émission ‘‘7/24’’ d’Al-Hiwar Ettounsi, le juriste a dissipé un des plus dangereux doute qui n’a jamais cessé de planer sur l’issue des premiers scrutins libres de l’histoire de la Tunisie: quel partage des pouvoirs en cette étape cruciale de la transition démocratique? Pour l’éminent homme de droit – et sans conteste un grand contributeur au sauvetage du 14 janvier 2011–, il n’y a nullement lieu de s’inquiéter pour la Révolution. Il n’y aucune raison de craindre le retour de la dictature du parti unique, car les choses ont beaucoup changé en Tunisie et il y a désormais de nombreux contrepoids capables, à tout instant, de remettre de l’ordre dans les affaires de la maison tunisienne. «Que l’on se rende bien compte, avertit M. Ben Achour. Cette histoire du danger d’un seul parti dominant tous les rouages de l’Etat et dictant ses lois et ses choix, est une absurdité. Qu’avons-nous, en définitive? Regardez ce qui se passe ailleurs – en Grande Bretagne, par exemple. Les choses sont simples: nous avons, aujourd’hui en Tunisie, un parti qui a remporté les législatives et, à ce titre, il est constitutionnellement habilité à former et à présider le gouvernement. Ceci est une procédure tout à fait normale. Ce même parti peut également remporter la présidentielle. Là, non plus, il n’y a rien d’anormal, car cela fait partie du jeu démocratique – qu’il faut accepter». Plus insistant, le Pr. Ben Achour développe: «Même s’il monopolise tous les pouvoirs de l’Etat (parlement, présidence du gouvernement et présidence de la république, NDLR), aucun parti n’aura la totale latitude de n’en faire qu’à sa tête ou d’être hégémonique. Il ne pourra jamais agir de la sorte, car il y a des contre-pouvoirs qui l’en empêcheront. Vous avez, en premier lieu, la contre-force des médias. Vous avez également l’opposition que l’article 60 de la nouvelle Constitution – cette ‘‘montagne’’– protège de toutes les formes de répression. Cet article lui accorde de nombreux droits… Vous avez aussi la rue, la société civile et je pourrais en oublier encore (d’autres contre-pouvoirs, NDLR)… Tout cela fait que le pays dispose d’une multitude de moyens qui lui permettront de contrecarrer avec succès toutes les velléités hégémoniques». Et Yadh Ben Achour de conclure: «Tout simplement, un pouvoir hégémonique n’a plus aucune chance en Tunisie. Il n’y aura plus de dictature en Tunisie. Les esprits ont changé dans le pays. La question démocratique est une affaire de structure mentale, une affaire de culture. Et tant que les Tunisiens tiennent fermement au message de la Révolution et aux acquis de cette dernière, il n’y a aucune crainte à avoir». Comprenons, donc, qu’il faille à Ennahdha et Moncef Marzouki puiser arguments pour leurs campagnes ailleurs que sur ce terrain du «ettaghaouel» (hégémonisme), pour empêcher Béji Caïd Essebsi d’être le prochain locataire du Palais de Carthage, librement élu par la majorité des électeurs tunisiens. Marwan Chahla |
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