Classée 11e sur 27 candidats au 1er tour de la présidentielle du 23 novembre 2014, la juge Kalthoum Kannou déclare qu'elle ne regrette rien et qu'elle récidivera dans 5 ans.
C'est ce qu'elle a promis de faire, dans une interview publiée, lundi 12 janvier 2015, par le site ''Ahram Online''. Nous publions ici la traduction française de cet entretien.
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Ahram Online: Est-ce que votre décision de prendre part au scrutin avait une relation avec le fait que vous soyez femme?
Kalthoum Kannou: Non, je suis tunisienne avant toute autre considération. Je pense que je remplis les critères que cette candidature requiert. J'ai de l'expérience, de l'efficacité et du courage pour occuper cette fonction de la présidence de la République. J'ai été candidate indépendante et je suis restée concentrée sur cette idée, tout au long de ma campagne – plutôt que sur le fait que je suis femme. Ma candidature était loin d'être partisane.
Après avoir obtenu le nombre de voix que vous avez obtenu, regrettez-vous votre participation à cette élection présidentielle?
Non, je n'ai aucun regret. Bien au contraire, j'ai la ferme intention de me présenter à la prochaine présidentielle qui aura lieu, selon la constitution tunisienne, dans 5 ans. Lors du scrutin dernier, j'avoue que je n'avais pas d'expérience politique et n'avais aucune connaissance du processus de l'élection présidentielle. Cependant, je suis fière d'avoir obtenu le soutien que j'ai eu auprès des jeunes électeurs, des personnes plus âgées, des hommes et des femmes. Certains d'entre ceux qui ont voté pour moi étaient indépendants, d'autres étaient membres de formations politiques. Tous ceux ont porté leurs votes sur mon nom étaient des électeurs qui croyaient dur comme fer qu'une femme tunisienne a le droit de prendre part à une élection.
Quelle leçon avez-vous tirée de cette élection ?
Tout au long de la campagne, j'ai appris beaucoup sur les aspects négatifs de cette course. Par exemple, j'ai appris qu'il fallait bien s'y préparer. J'avoue que je n'étais pas tout à fait prête pour la compétition: j'aurais dû mieux préparer ma campagne publicitaire. Financièrement, non plus, je n'étais pas bien préparée.
Cela dit, il faut également dire que j'ai pu démontrer que la femme tunisienne peut prétendre aux plus hautes fonctions de l'Etat et qu'elle est capable de défier la hiérarchie patriarcale oppressive.
Quelle appréciation faites-vous de la position des médias envers votre candidature?
Si l'on compare les médias tunisiens aux médias étrangers, je crois que l'on peut dire que nos médias n'ont pas été justes envers moi: ils m'ont abandonnée; ils ont plutôt été obsédés par la polarisation Marzouki/Caïd Essebsi.
L'aspect positif, cependant, réside dans le fait que j'ai pu établir un contact direct avec les électeurs. Je n'ai eu aucune crainte de me déplacer dans les régions rurales ou dans ces zones dites dangereuses.
Comment est-ce que les Tunisiens ont réagi au fait qu'ils avaient une candidate à la présidentielle?
Tout le monde avait accepté cette idée. Les gens l'avaient vraiment bien acceptée. Ils n'avaient aucun problème avec cela. Ma campagne s'était focalisée sur le fait d'essayer d'atteindre les populations des régions rurales du pays, bien plus que celles des zones urbaines ou dans des grandes villes développés. Et je tire une grande fierté que la plupart des signatures de soutien à ma candidature m'ont été accordées par cette frange modérée de la population, parfois par des gens sans éducation.
Pourquoi ce soutien populaire ne s'est-il pas traduit en nombre de votes?
La majeure partie de ceux qui ont voté pour moi étaient des gens des régions rurales – ce qui n'était pas une tâche aisée. A présent, je sais mieux de quoi il en retourne et je suis mieux préparée pour l'avenir. Ma campagne a été propre parce que j'ai été honnête sur des questions comme la liberté de la croyance et la liberté de pensée, des questions que tous les autres candidats ont évité de soulever. Je n'ai pas fait de fausses promesses et j'ai refusé d'utiliser l'argument religieux comme plusieurs autres candidats l'ont fait.
Est-ce que les organisations de femmes vous ont soutenue?
En réalité, elles ne m'ont pas assez soutenue. Je dirais même qu'elles m'ont abandonnée. La raison en était toute simple: il y avait un net clivage entre Marzouki et Caïd Essebsi; et c'est cela qui semble avoir attiré plus l'attention...
Texte traduit de l'anglais par Marwan Chahla
Source: ''Ahram Online'';
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