Quatre ans après la chute de Ben Ali, les Tunisiens ont fait un bon bout de chemin. Ils sont cependant divisés et n'ont pas encore récolté les fruits de leur révolution.
Par Yüsra N. M'hiri
Des centaines de manifestants ont défilé, aujourd'hui, à l'avenue Habib Bourguiba de Tunis, pour célébrer le 4e anniversaire de la révolution du 14 janvier 2011, qui a fait tomber le régime dictatorial de Ben Ali. Mais 4 ans après, force est de constater que les revendications sont presque les mêmes: l'emploi, le développement régional, la sécurité, la relance économique... C'est à croire que tous les gouvernements post-révolution n'ont pas réussi à résoudre les difficultés et les problèmes dont souffrent les citoyens (insécurité, chômage, inflation, cherté de la vie...), pour ne pas dire qu'ils les ont amplifiés.
Parmi les bannières des différents partis politiques agitées par la foule, flottaient les portraits de Sofiane Chourabi et Nadhir Guetari, les deux journalistes enlevés en Libye depuis plus de 4 mois et dont on est sans nouvelles depuis, brandis par leurs confrères. Le Syndicat national des journalistes tunisien (SNJT), qui a pris part au rassemblement, a réaffirmé sa détermination à protéger la liberté d'expression, qui est jusque-là le «seul bénéfice de la révolution».
Le SNJT appelle à la libération de Sofiane Chourabi et Nadhir Guetari.
Rappelons que le chef jihadiste Kamel Zarrouk, en fuite en Syrie, a appelé, la semaine dernière, dans une vidéo diffusée sur la toile, ses partisans en Tunisie, à lancer la guerre contre les médias et les journalistes.
La célébration du 4e anniversaire de la révolution a coïncidé avec la manifestation hebdomadaire «Qui a tué Chokri? Qui a tué Brahmi?». Les partisans du Front populaire ont réitéré leur appel à la justice pour faire toute la vérité sur les assassinats de leurs deux ex-dirigeants. Ils ont aussi repris en choeur leurs accusations contre le mouvement islamiste Ennahdha, responsable à leurs yeux des assassinats politiques et autres crimes commis par les extrémistes religieux contre les forces militaires et sécuritaires au cours des 3 dernières années.
Le Front populaire exige toute la vérité sur les assassinats de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi.
L'avenue la plus célèbre de Tunis a réuni, aujourd'hui, des citoyens de différents bords idéologiques et politiques. Même Ben Ali et sa famille mafieuse étaient «présents». Leurs portraits collés à des sacs poubelle ont été brandis par des activistes de la société civile, comme pour dire que la dictature n'a plus sa place en Tunisie ou qu'elle a été définitivement jetée à la poubelle de l'Histoire.
Le point noir de cette célébration de la révolution de la liberté et la démocratie, c'est la présence massive des partisans de Hizb Ettahrir (un parti islamiste radical autorisé, en 2012, par le gouvernement Ennahdha). Ces derniers ont appelé à la mort de l'Etat civil et à l'instauration du califat qui appliquera enfin la chariâ en Tunisie.
Hizb Ettahrir fait acte de présence avec sa logorrhée extrémiste religieuses.
Agitant leur fameux étendard noir, le même que celui utilisé par Al-Qaïda, Ansar Charia, Daêch et autres assassins au nom d'Allah, les partisans de Hizb Ettahrir criaient «Allahou Akbar», «A bas la constitution», ou encore «Non à la laïcité, c'est la loi d'Allah qui va bientôt s'installer».
Les LPR ne sont pas Charlie: ce n'est pas scoop!
Aux côtés de ces extrémistes, défilaient des ex-dirigeants des Ligues de la protection de la révolution (LPR), milices violentes dissoutes par décision de justice, qui ont célébré la fête de la jeunesse et de la révolution en brandissant des pancartes sur lesquelles était écrit le slogan provocateur «Je ne suis pas Charlie», comme pour se désolidariser de l'élan de soutien mondial au journal satirique français ''Charlie Hebdo'', qui a été la cible d'une attaque terroriste, mercredi 7 janvier 2015, qui a fait 12 morts.
Hizb Ettahrir contre l'Etat, la constitution, la démocratie, les élections, l'Occident...
Notons qu'un dispositif sécuritaire important a été déployé et les diverses manifestations se sont déroulées dans de bonnes conditions. Ce qui est un signe de maturité politique de tous les protagonistes.
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