«Participer aux consultations n'implique pas la participation au gouvernement»: cette réponse de Taïeb Baccouche à Ennahdha engage-t-elle vraiment Habib Essid?
Par Moncef Dhambri
Moins timide qu'au «1er tour» des tractations sur la formation du gouvernement d'Habib Essid, Nidaa Tounes déblaie plus le terrain pour le Premier ministre désigné, multiplie ses contacts et rappelle surtout que la participation à ces discussions ne signifie pas nécessairement la présence dans la prochaine équipe.
Plus engagé qu'il ne l'a été dans la laborieuse première mouture gouvernementale du Premier ministre désigné Habib Essid, Nidaa Tounes, le vainqueur des législatives du 26 octobre 2014, semble vouloir prendre plus de précautions et montrer plus de détermination à assumer son rôle de «copilote» de cette deuxième tentative de formation du 1er gouvernement de la 2e République de Tunisie.
Des Nidaaïstes plus visibles et plus loquaces
Les dirigeants de la plus importante formation parlementaire du pays – avec ses 86 sièges – n'entendent pas, en ce deuxième coup d'essai, se trouver dans l'obligation de reporter une nouvelle fois l'examen de passage de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour quelque raison que ce soit. La date de la séance du vote de confiance de l'ARP est fixée et Taïeb Baccouche, en véritable secrétaire général du Nidaa, et ses plus proches collaborateurs se sont rendus ostensiblement plus visibles et plus loquaces que lors des premières discussions.
Les Nidaaïstes ont appris la leçon et pris note de toutes les critiques qui ont accueilli l'annonce faite, vendredi 23 janvier 2015, par M. Essid de la composition de sa première équipe. Essentiellement, ils ont compris que leur interprétation minimaliste du mot d'ordre «nous ne gouvernerons seuls» – dit et répété tout au long des législatives, de la présidentielle et au lendemain de ces 2 scrutins – ne pouvait pas donner la plus ample satisfaction pour inventer l'union nationale ou le salut national que la majorité des Tunisiens souhaitent.
L'on s'acheminerait donc vers la proposition nidaaïste, à M. Essid, d'une composition d'équipe plus «politique» – et moins indépendante ou technocratique – et d'une recette plus programmatique – et non d'une vague énonciation de principes généraux, ainsi qu'il a été le cas lors du «1er tour».
C'est, donc, à ce difficile équilibrisme que se livrent désormais Taïeb Baccouche, Mohamed Ennaceur, Lazhar Karoui Chebbi et autres hauts responsables du Nidaa dans cette course contre la montre de l'entre-deux-tours de la formation du gouvernement Essid.
Le «j'y suis-je n'y suis pas» d'Ennahdha
Pour convaincre de ce franc engagement, M. Baccouche promet que la présence nidaaïste dans le prochain gouvernement sera plus affirmée et qu'une feuille de route programmatique, fruit d'un accord «avec le plus grand nombre possible de partis», sera soumise à M. Essid.
Cette prise en main des choses par les Nidaaïstes s'est également accompagnée, jeudi 29 janvier, par une réponse exaspérée aux nombreux «j'y suis-je n'y suis pas» d'Ennahdha qui compliquent la tâche des consultations.
A la déclaration du président du mouvement islamiste, Rached Ghannouchi, que «la présence d'Ennahdha dans le prochain gouvernement est quasi-certaine», la réplique de M. Baccouche a été cinglante: «Il ne s'agit là que d'une opinion, la sienne (celle de Rached Ghannouchi, Ndlr). Nous respectons cet avis. Nous poursuivons les discussions avec tous les partis. Nous n'avons pas fini nos consultations et n'avons arrêté aucune décision. Nous discutons avec tout le monde. Qu'on se le tienne pour dit: participer aux consultations est une chose, et faire partie du prochain gouvernement en est une autre», a averti le secrétaire général de Nidaa Tounes.
Cette mise en garde à peine voilée, qui semble être destinée à tous et à toutes les parties prenantes, traduit nettement l'irritation actuelle des Nidaaïstes et leur déception, mal digérée, d'avoir raté le premier pas du vendredi 23 janvier.
L'on croit aussi entendre une voix venant du Palais de Carthage dire: «A présent, j'ai compris. On ne m'y reprendra pas à deux fois!»
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