La Commission nationale d’établissement des faits sur les affaires de malversation et de corruption, dirigée par Abdelfattah Amor, commence à démonter les mécanismes du système de corruption mis en place par les proches de l’ex-président.
Ben Ali et les siens sont-ils seuls coupables?
Sur la base des premières constatations, le président de la commission a souligné, au cours de sa conférence de presse d’hier, que la mode de gouvernement en Tunisie n’était ni présidentiel ni présidentialiste mais plutôt totalitaire, en ce sens que tous les pouvoirs, y compris les moindres détails, étaient décidés personnellement par le président déchu. Ces pouvoirs concernent les décisions relatives à la souveraineté, à l’octroi des agréments et des concessions ainsi qu’aux autorisations relatives à l’entrée des voitures de luxe, destinées à la famille du président et qui ne remplissent pas le plus souvent les conditions juridiques. Ben Ali intervenait même dans l’interdiction de délivrer un visa pour l’entrée des citoyens au territoire tunisien.
Selon M. Amor, le rôle des ministres et des responsables, qui ont été auditionnés par la commission, a été marginal et même inexistant. Ce rôle était limité à l’exécution et à l’information de l’exécution qui se transforme en une menace, en cas de réticence de certains ministres vis-à-vis de certains dossiers.
Un vide institutionnel et gouvernemental
A l’appui de sa démonstration, M. Amor a mis l’accent sur l’existence d’un vide institutionnel et gouvernemental, à la lumière des pouvoirs illimités et des privilèges dont jouissaient les familles de Trabelsi et de Ben Ali, ce qui a porté atteinte au dispositif des droits de l’homme et à la structure économique du pays.
En d’autres termes, les ministres de Ben Ali sont responsables, mais pas coupables.
Ce raisonnement a une conséquence: il dédouane les membres du gouvernement et les soustrait à la justice. Ce qui nous semble pour le moins inacceptable. Les enquêtes doivent être poussées pour que les responsabilités soient délimitées et tous les coupables dénoncés et sanctionnés. Car il serait commode de faire tout endosser par le clan de Ben Ali alors que les corrompus – qui profitaient du système en sous-main – sont à tous les étages, y compris au sein du gouvernement.
On ne peut, bien sûr, juger et sanctionner tous les hauts cadres de l’administration qui auraient trempé dans des malversations en relation avec les intérêts de l’ex-clan au pouvoir. Cela ne doit pas aussi aboutir à la banalisation de l’impunité pour raison d’Etat. Car on risque de retomber dans les mêmes travers. Les hauts cadres corrompus doivent être démasqués et dénoncés. Ils doivent, tout au moins, reconnaître leurs méfaits et demander pardon.
Z. A.