Le discours-programme du chef du gouvernement n'a pas brillé par de grandes annonces. Il a cependant brossé un tableau assez clair de la situation dans le pays.
Par Imed Bahri
Dans son discours au peuple tunisien, diffusé par la chaine publique Watania 1, dans la soirée du lundi 16 mars 2015, le chef du gouvernement Habib Essid a passé en revue la situation difficile dans le pays sur les plans sécuritaire, économique et social, les solutions préconisées dans le cadre d'un plan national de sauvetage, tout en appelant à la mobilisation de tous les Tunisiens pour la réussite de la transition économique.
Pour le diagnostic, M. Essid n'a fait de répéter ce que tout le monde sait: «La situation sécuritaire reste précaire et la menace terroriste omniprésente, illustrée par la récente attaque terroriste dans la région de Boulaaba, à Kasserine», a-t-il dit.
La situation économique est tout aussi précaire et préoccupante, d'autant que le taux d'investissement a reculé de 21% en 2014 par rapport à 2013 et de plus de 32% par rapport à 2010. Les finances publiques traversent une phase difficile, elle aussi, avec un déficit budgétaire estimé à 7.400 millions de dinars (MD) en 2014, contre 3.000 MD en 2010.
Par ailleurs, le déficit des 25 grandes entreprises publiques a dépassé 3.500 MD et celui des caisses sociales a atteint 1.100 MD, alors que le taux d'inflation, estimé à 5,6% en 2014, reste plus élevé que la croissance du PIB (2,3% en 2014).
Selon le Premier ministre, cette situation difficile revient au ralentissement de la production, notamment dans les secteurs du phosphate, du pétrole et des grands travaux d'infrastructures, comme les autoroutes Oued Zarga-Bousalem, Sfax-Skhira, Gabès-Medenine et Medenine-Ras Jedir, en plus des projets du gaz du sud et de l'eau potable à Jendouba.
La situation sociale est tout aussi préoccupante, avec un taux de chômage très élevé, notamment chez les diplômés chômeurs (31%), a souligné M. Essid, en évoquant aussi la situation précaire des travailleurs des chantiers et des autres mécanismes d'emploi, la non application des 17 accords d'augmentations salariales dans le secteur public, dont le montant totale dépasserait 200 MD, ainsi que le blocage du dossier des augmentations salariales dans le secteur public pour l'année 2014.
L'absence de modèle de développement et le recours à des mesures ponctuelles dans le cadre du budget de l'Etat ne sont pas de nature à relancer l'économie et préserver la paix sociale.
Le pays a besoin d'un véritable plan de sauvetage national basé sur une étude de la situation actuelle, des mesures d'urgence pour l'améliorer et une vision pour les 5 prochaines années, a expliqué M. Essid.
Dans le domaine sécuritaire, ce plan se base sur une meilleure concertation et collaboration entre l'armée nationale et les forces de sécurité intérieure, adossées à un soutien des citoyens. Il se base aussi sur le renforcement des équipements des forces armées et sécuritaires pour leur permettre d'intervenir rapidement et un meilleur déploiement des corps sécuritaires sur les frontières avec la Libye.
Ce plan, déjà mis en route par le gouvernement, a permis l'arrestation de 387 terroristes, le démantèlement de plusieurs groupes extrémistes et la découverte de nombreuses caches d'armes de guerre, a indiqué M. Essid.
Sur le plan social, il s'agit de créer une atmosphère propice au travail et la production, en mettant en route les accords conclus avec l'UGTT dans le cadre du respect de l'Etat de ses engagements, en démarrant les négociations pour les augmentations salariales dans le secteur public pour l'année 2014 et en préparant les négociations pour les deux ou trois autres ultérieures.
Sur le plan économique, M. Essid a indiqué que son gouvernement a élaboré un nouveau modèle de développement basé sur les secteurs à valeur ajoutée capables d'assurer des emplois aux diplômés du supérieur et d'atteindre une croissance de 7%, grâce à l'investissement dans l'économie numérique, verte ou solidaire.
Le prochain plan quinquennal de développement (2016-2020) sera basé sur la promotion de ces secteurs prometteurs et des programmes de développement inspirés des besoins des régions.
Le chef du gouvernement a, par ailleurs, rappelé que la situation économique exige des réformes des secteurs de l'éducation, de la santé, du système de compensation, des caisses sociales, ainsi que la mise en place de grands projets structurants sur le plan national.
M. Essid parle de confiance et de détermination, mais ne parvient pas à les transmettre aux Tunisiens.
En conclusion, M. Essid a affirmé avoir accepté la charge de chef de gouvernement tout en étant conscient de la situation difficile dans le pays et de l'ampleur du défi auquel il doit faire face, ajoutant qu'il demeure, malgré tout, optimiste et déterminé à relever ce défi, qui n'est pas du seul ressort du chef du gouvernement, a-t-il dit.
La réussite du plan de redressement national est une «responsabilité collective: des partis, des organisations, de la société civile, des médias, des hommes et des femmes de l'éducation et de tous les citoyens», a souligné le locataire du Palais de la Kasbah, tout en réitérant sa «confiance dans la capacité des Tunisiens à relever le défi de la transition économique, après avoir relevé celui de la transition politique, dans le respect de la constitution et la stricte application des lois pour faire face aux fléaux du laisser-aller et du désordre.»
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