En ces temps de transition, donc d’incertitude, les personnes pourraient inspirer confiance plus que les slogans et les mots transitant par différents médias.


S’il y a un besoin qui a été satisfait par les Tunisiens après le 14 janvier, c’est bien celui de s’exprimer. Tous les Tunisiens, toutes catégories confondues, ont goûté, de différentes manières, à ce sport de corps et d’esprit dont ils étaient privés pendant des années. Mais faut-il réellement parler ensemble et de tout à la fois? Certes, non! répondrait le plus jeune étudiant en communication, puisque, à l’arrivée, ce serait la cacophonie.
Il se trouve que même les responsables du gouvernement ne se privent pas de ce plaisir qui est de «se faire entendre», et malgré la période de six mois qu’ils auront à gérer, ils n’hésitent pas d’évoquer l’avenir comme s’il les est déjà compté.

Communication de crise et communication à tout va
Par moment, nous entendons parler d’une conférence internationale sur les reformes politiques et économiques entreprises jusqu’ici et par moment d’une large campagne de communication pour relater les avancées démocratiques de la Tunisie et on ne tarde pas à avancer un slogan que l’on pense porteur: «Invest in Tunisia, invest in democracy».
Si l’on se fie à ce seul slogan, l’on verrait mal comment les investissements directs étrangers (Ide) vont affluer pour contribuer dans un processus qui n’engage que la Tunisie et, de plus, un processus dont l’établissement (sans dérives ni retards) prendra, selon les experts, au moins 6 ans, soit le temps de s’assurer que la vie politique dans le pays est enfin inscrite dans une dynamique démocratique et qu’elle a abouti à des élections libres et transparentes.
Donc, en cette période de transition, il faut surtout éviter de confondre communication de crise et communication à tout va. La première étant demandée pour apaiser et rassurer, la deuxième doit être temporisée parce qu’elle risque de brouiller davantage des cieux déjà grisâtres.
Bizarrement, on parle plus de démocratie que de liberté, alors que l’effet immédiat de la révolution est bien d’avoir donné des ailes aux plumes et aux modes d’expression les plus diverses, alors que la démocratie est une promesse d’avenir, au vu des phases et procédures par lesquelles elle doit passer pour devenir enfin une pratique de société.

Campagne de communication ou branding réfléchi
Ceci dit, la question qui se pose, dans le cas de la Tunisie, serait la suivante: a-t-on besoin d’une campagne de communication, donc d’une action à court terme et dont les résultats ne sont pas garantis ni à l’abri des incidents de parcours, ou plutôt d’une démarche de branding, réfléchie et plus pensée, qui inscrirait l’image du pays, une fois stabilisée, dans le temps et la durée.
La différence entre une campagne de communication et une démarche de branding qui aboutirait à une campagne communication, c’est que, dans le premier cas, on va se rabattre sur les atouts existants pour les faire valoir, alors que, dans le deuxième cas, on va créer de nouveaux atouts (l’exemple du Qatar illustre la 2ème démarche).
Pas plus tard que le mois de novembre 2010, la Finlande a annoncé la fin des travaux de la  mission du branding du pays, qui a duré deux ans, avec à la clé un rapport de 300 pages.
La tendance, un peu partout dans le monde, est d’ailleurs le branding et non pas les campagnes de communication qui rappellent l’arc en ciel: une fois disparu du paysage, on en oublie les couleurs.
Le premier conseiller des gouvernements en matière de branding, Simone Anholt, fait le tour du monde rien que pour tenir des séminaires destinés aux seniors gouvernementaux et pour expliciter les différents points forts et points faibles des deux démarches. Le cabinet Future Brand, qui publie tous les ans le Country brand index se positionne comme l’un des cabinets leaders en matière de branding des pays. Une visite du site internet Nation Brand, qui fournit tous les éléments méthodologiques et d’actualités sur le branding et le rebranding, épargnerait à notre pays un autre ratage qui viendrait s’ajouter à celui de la campagne «Tunisie touristique» dont le visuel évoque au détail près le drapeau cubain dans ses couleurs distinctives.

Accroître la visibilité du pays
L’objectif des deux démarches étant le même: accroître la visibilité du pays pour que les gens s’y rendent, y travaillent ou y investissent. La différence reste quand même importante: dans une campagne de communication, c’est plutôt le réel virtuel qu’on véhicule, alors que dans une démarche de branding, c’est le réel vérifiable sur terrain. D’où l’idée: si on veut que ça dure, il n’y a pas mieux que le branding, et si on veut impressionner, il n’y a pas plus court chemin qu’une campagne de communication.
Le Maroc offre, à cet égard, un exemple toujours d’actualité: une campagne de communication a été ruinée en quelques minutes à cause d’un incident au Sahara occidental sur lequel ont été braqués tous les médias étrangers.
Pour la Tunisie, nous pensons plutôt à une démarche de branding, le lendemain des élections, qui positionnera durablement et solidement notre pays sur l’échiquier très sélectif des «Most respectful countries» ou parmi le top 20 du Country Brand Index.
Aussi, et en attendant l’aboutissement d’une telle démarche, il y a lieu de recentrer et de renforcer les efforts de porte-à-porte, puisqu’en ces temps de transition, donc d’incertitude, les personnes pourraient inspirer confiance plus que les slogans et les mots transitant par différents médias.

Imed Bahri