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Le gendre de Ben Ali, objet d’un mandat de recherche international, avait demandé, en 2008, un permis d’établissement dans le canton de Genève. L’ambassade suisse à Tunis a refusé, en résistant aux pressions de Carthage.


C’est ce que révèle un câble diplomatique américain (08Tunis299) révélé par le site Wikileaks.
Début 2008, Sakher El Materi, l’homme d’affaires qui avait fait main basse sur de larges pans de l’économie nationale, demande un permis d’établissement à Genève, «apparemment pour faciliter ses affaires en Europe», notent les Américains. Il y aurait «quelques éléments de preuve que le clan Ben Ali transfère plus d’argent en Suisse, mais peut-être moins que dans d’autres pays européens», ajoute le câble.

Le sit-in opportun de l’ex-employé
Berne et Genève se consultent et décident de rejeter la demande du gendre de Ben Ali, au risque de fâcher le pouvoir tunisien. «La réponse illustre comment fonctionne celui-ci », note le journal suisse, qui rappelle qu’en ce début 2008, par pur hasard sans doute, «un ex-employé de l’ambassade suisse à Tunis fait un sit-in devant la chancellerie pour protester contre son licenciement. Or l’homme a été renvoyé, entre autres, pour avoir refusé de traduire un article d’un journal d’opposition ‘‘qui pourrait nuire à la réputation de la Tunisie’’, objectait-il. Il a été dûment indemnisé mais, probablement téléguidé, a décidé de se transformer en nuisance permanente aux portes de l’ambassade», note ‘‘Le Temps’’ de Genève.
La pression ne s’est pas arrêtée là, puisque Tunis a continué à exiger le départ  de l’ambassadeur suisse de sa résidence, qui s’est trouvée enserrée dans l’enceinte même du Palais de Carthage, après l’agrandissement démesuré de celui-ci.
Après l’échec du permis de séjour genevois, Sakher El Materi revient à la charge avec une demande de visa et veut d’abord fixer un rendez-vous en dehors des heures d’ouverture. L’ambassade refuse. L’intéressé finit par se présenter en personne. L’ambassadeur suisse l’éconduit poliment en expliquant que la présence constante de l’ex-employé devant les portes empêche la chancellerie de poursuivre ses activités normales. Aussi étrange que cela puisse paraître, El Materi, en sortant, ramasse les pancartes de protestation de l’ex-employé, les fourre dans le coffre de sa voiture et s’en va.

Ben Ali «n’était pas au courant»?
Moins d’une heure plus tard, un haut responsable tunisien convoque l’ambassadeur suisse pour lui transmettre les excuses du président Ben Ali, qui «n’était pas au courant» des désagréments causés par l’employé licencié. «Furieux, celui-ci a aussitôt levé le camp en lançant un vengeur: ‘‘Vous avez gagné la bataille, mais pas la guerre!’’ Quand il a fait mine de revenir avec sa famille le lendemain, la police tunisienne l’a expulsé prestement», écrit le journal suisse.
Le nom de Sakher El Materi figure aujourd’hui parmi les personnalités tunisiennes dont la Suisse a gelé les fonds. Le gouvernement tunisien chercherait à vendre son jet Falcon bloqué à Genève. Des journaux ont révélé en janvier que, via sa holding Princesse, il avait forcé la filiale tunisienne de Nestlé à lui vendre à bas prix une part de son capital, pour la lui revendre ensuite en réalisant un bénéfice de 25 millions de francs suisses environ.

I. B.