L’auteur, diplômé en sciences économiques et planification, reproche au Premier ministre ses hésitations et son manque d’audace, et l’invite à prendre rendez-vous avec l’histoire en prenant les décisions qu’attendent tous les Tunisiens. Par Charrad Dhafer


Vous avez initialement invoqué anticonstitutionnellement l’article 56 de la constitution pour vous proclamer président avant d’être obligé de vous rabattre sur l’article 57 en vous contentant de votre rôle.
Vous avez expliqué que c’était pour sauvegarder la sécurité du pays et pour éviter un bain de sang, vous y avez simplement fait allusion en promettant que l’histoire l’expliquera et le démontrera alors que vous pouviez allez jusqu’au bout en nous l’expliquant vous-mêmes, car vous êtes l’un des auteurs principaux de cette page d’histoire.
Le faire aurait éclairé la lanterne de ceux qui réclament à ce jour votre départ.
Vous avez mis en veilleuse le Rcd sans aller jusqu’au bout en faisant tout pour sa dissolution, d’autant plus que ce parti n’a plus aucun avenir politique sous sa forme actuelle.
Le faire aurait donné confiance à ceux qui craignent à ce jour, les complots de ce parti ultra bien structuré et qui fait peur à tout le monde.
Vous avez annoncé le gel des avoirs du Rcd (biens meubles et immeubles et comptes bancaires), sans aller jusqu’au bout en en déclarant les détails et la saisie.
Le faire aurait démontré une transparence de bon augure.
Vous avez mis en veilleuse les chambres des députés et des conseillers et vous avez donné de fait un congé aux membres qui les composent, sans aller jusqu’au bout en précisant que leur congé était non payé: à défaut de l’imposer, vous pouviez au moins les mettre dans l’embarras en le demandant publiquement du haut de votre tribune.
Geler leurs salaires devenus immérités et injustifiés et les consacrer, jusqu’aux prochaines élections, aux pauvres et aux démunis auraient redoré l’image de ces députés et conseillers aussi bien que la vôtre.
Vous avez la réputation d’être un excellent technocrate, qui a consacré toute sa carrière exclusivement à l’économie, aux finances et aux investissements du pays, mais, depuis le 14 janvier, vous vous êtes miraculeusement reconverti à la politique et presque aucune mesure de nature économique n’a été annoncée.
En supposant que vous êtes capable en un seul jour de pareille miraculeuse reconversion et de prendre en charge la préparation du terrain pour les prochaines élections et pour l’instauration de bases nouvelles pour une démocratie durable, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout, en éliminant  immédiatement les anciennes structures et symboles de l’ancien régime, qui ne manqueront pas d’entraver le fonctionnement de n’importe quels prochains président et gouvernement.
Tout ce qui précède, ainsi que votre longévité silencieuse aux côtés de l’ancien dictateur kleptocrate, prouvent que vous avez sûrement plusieurs qualités, mais sûrement pas celle du courage.
Tout en restant intègre, vous avez, tout au long de votre carrière, eu peur de tout et de tout le monde: le président fuyard même après sa fuite, sa femme, ses enfants, ses sbires, ses proches, ses amis, les Trabelsi, les Ben Ali et, en général, tous ceux qui se sont alliés à eux.
Votre frilosité du passé et votre manque incroyable de courage justifient et rendent légitime la position de ceux qui réclament votre départ.
Ne pensez-vous pas que continuer sur la même voie, qui a mené le pays au bord du désastre, en continuant à craindre ceux qui sont restés au pays: députés, conseillers, membres du parti, ainsi que tous ceux capables d’avoir la moindre capacité de nuire, est intolérable et ne sert pas le pays que vous voulez servir?
Insister pour rester au service de l’état, c’est bien, c’est louable et c’est tout à votre honneur, mais pour que ça passe, reprenez-vous, ne craignez plus rien M. Ghannouchi, vous êtes aujourd’hui sous la protection du peuple qui a réussi en quelques jours à faire disparaître une dictature et/ou une kleptocratie et vous avez une chance de rentrer dans l’histoire du pays, ne la ratez pas: reprenez-vous et agissez dès aujourd’hui avec courage, beaucoup de courage.