Taieb Baccouche reçu par Beji Caid EssebsiPour le quotidien saoudien ‘‘Saudi Gazette’’ (‘‘SG’’), Tunis vient de commettre «une grave erreur» en annonçant son intention de rétablir ses relations avec Damas.

Le quotidien saoudien de langue anglaise ne «comprend pas ce que le gouvernement (tunisien, Ndlr) soit en train de faire, en annonçant son intention de rétablir ses relations diplomatiques avec le régime du dictateur syrien Bachar Al-Assad.»

Dans son éditorial du 7 avril 2015, il reprend point par point les arguments tunisiens qui justifient «ce revirement diplomatique» de – pour les démolir, bien évidemment.

Au sujet des 3000 Tunisiens qui se trouvent en Syrie et qui nourrissent les rangs de l’Etat islamique (EI, Daêch), la ‘‘SG’’ s’interroge comment le rétablissement des liens diplomatiques avec Damas pourrait permettre au gouvernement tunisien de «retrouver ses terroristes locaux partis au jihad en Syrie» et d’aller au secours des autres ressortissants tunisiens.

L’éditorialiste saoudien explique que «dans une Syrie où le dictateur Bachar Al-Assad et ses troupes ont perdu des régions entières du territoire syrien, ces derniers ne seront pas d’une grande aide à la Tunisie dans ses recherches… Tout simplement, sur ce chapitre-là, Tunis n’aura rien à gagner à rétablir des relations officielles avec Damas.»

‘‘SG’’ en rajoute une couche contre ce qu’il qualifie de «position isolée» de la diplomatie tunisienne. L’attitude mal inspirée des autorités tunisiennes serait celle d’un gouvernement «déboussolé» qui, au lendemain de l’attentat du Bardo du 18 mars 2015, ne sait plus où donner de la tête.

«Sa décision (de rétablir les relations avec Damas, Ndlr) a tout l’air de celle d’un gouvernement qui souhaite donner l’impression à l’opinion publique tunisienne ‘‘qu’il est en train de faire quelque chose’’. Or, renouer avec le dictateur Bachar Al-Assad est loin d’être la mesure la plus sensée.»

L’éditorialiste de la ‘‘SG’’ déplore que, sur le dossier libyen également, la diplomatie tunisienne ait été tentée de faire cavalier seul, de renier ses engagements envers les décisions contraignantes de la Ligue des Etats arabes, en ouvrant une représentation consulaire à Tripoli, et de défier ainsi l’opinion de la communauté internationale.

Pour la ‘‘SG’’, «la capitale libyenne est à présent sous le contrôle des rebelles de Fajr Libya, un mouvement que la communauté internationale tout entière refuse de reconnaître – contrairement au parlement de Tobrouk, qui a été élu l’été dernier, et au gouvernement du Premier ministre Abdallah Al-Thani…»

De toute urgence, Béji Caïd Essebsi et Taïeb Baccouche devront prendre au sérieux ces messages codés en provenance du Royaume saoudien, clarifier la position tunisienne sur les questions libyenne et syrienne, et surtout tirer la charrue de notre diplomatie dans le même sens – accorder leurs violons, en somme...

En tout cas, étant donné les dégâts énormes causés par les Moncef Marzouki, Rafik Bouchlaka et autres néophytes parmi leurs prédécesseurs, la tâche du duo Caïd Essebsi-Baccouche ne sera pas facile. Comme pour presque tout dans notre pays, faire remonter à la Tunisie la pente requiert des efforts colossaux.

Marwan Chahla

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