Dans une tribune publiée sur le site de Global Policy, Rafik Abdessalem présente les «solutions tunisiennes» au problème de l'extrémisme violent. Paroles, paroles...
Par Marwan Chahla
L'ancien ministre des Affaires étrangères et dirigeant d'Ennahdha, et accessoirement gendre du président du parti islamiste Rached Ghannouchi, explique que l'intégration sociale et économique demeure la meilleure stratégie pour faire face au terrorisme.
Jusqu'ici, grosso modo, il n'y aurait rien à reprocher à la réflexion de M. Abdessalem. Sauf que cette analyse est truffée d'amalgames, d'omissions et de contrevérités dont l'unique objectif consiste à dédouaner Ennahdha, à moindres frais, auprès d'un public étranger qui ne connait, peut-être, que peu de choses sur la réalité du parcours de la transition démocratique en Tunisie et sur la manière dont, sous les mandats des Troïkas 1 et 2, les gouvernements islamistes ont été un soutien plus que franc pour les extrémismes en tous genres – wahhabite, salafistes jihadistes et autres excroissances terroristes. Au point où, aujourd'hui, du fait de cette complicité prouvée d'Ennahdha et du Congrès pour la république (CpR), son ex-allié, la «petite» Tunisie est devenue le premier exportateur mondial de jihadistes!
Quand Ennahdha a-t-il combattu le terrorisme?
Dans cet article intitulé ''Faire face à l'extrémisme: Leçons de Tunisie'', publié sur le site de l'organisation britannique Global Policy, Rafik Abdessalem estime qu'il'«il y a beaucoup à apprendre de l'expérience tunisienne».
Il explique qu'«au lendemain de la Révolution de 2011, les extrémistes ont mis à profit le vide sécuritaire qui existait alors pour prendre le contrôle de 20% des mosquées dans le pays. Sous les gouvernements dirigés par Ennahdha, entre 2012 et 2014, nous n'avons épargné aucun effort pour améliorer la sécurité en Tunisie et faire face à cette situation. Cette démarche comprenait notamment le démantèlement des réseaux terroristes, le bannissement des organisations terroristes, l'amélioration de la coordination nationale et internationale dans ce domaine, la reprise du contrôle d'environ 1000 mosquées pour les confier à des hommes du culte modérés – en coopération avec les communautés locales.»
Sans aller jusqu'à reprendre, point par point, les 800 mots de cet article de M. Abdessalem pour prouver qu'il s'agit de non-sens, de propos futiles et trompeurs, il suffirait tout simplement de noter que l'ancien ministre nahdhaoui des Affaires étrangères ne dit pas, dans cette réflexion, que son beau-père avait traité directement avec les salafistes (cf. la célèbre vidéo fuitée où Rached Ghannouchi demandait aux salafistes d'apprendre à patienter, car «l'armée, la police, les médias... nous échappent encore»).
Il ne dit pas, non plus, que ces extrémistes «rappelaient» à ce même Ghannouchi sa jeunesse, que les Nahdhaouis avaient évacué le problème du jihadisme en niant l'existence de camps d'entraînement jihadiste au Mont Chaambi et en affirmant qu'il s'agirait de gens «s'adonnant tout simplement à des activités sportives» pour «combattre le cholestérol». L'ex-ministre de l'Intérieur et actuel secrétaire général d'Ennahdha, Ali Larayedh, fait mieux en faisant ménager une issue de sortie (de la mosquée Al-Fath, en septembre 2012) à Seifallah Ben Hassine, alias Abou Iyadh, le chef du groupe terroriste Ansar Charia, pour qu'il échappe à la police, etc.
«Nous autres Tunisiens», dit Rafik Abdessalem !
Bref, sachant que sur ce chapitre de la lutte contre le terrorisme, comme sur pratiquement tous les autres dossiers, la crédibilité nahdhaouie est égale à zéro, les dirigeants islamistes, contraints et forcés au silence et au départ par la rue, la société civile et le dernier désaveu électoral d'octobre 2014, se réfugient à l'étranger – s'exilent, pourrions-nous même dire – pour faire valoir auprès d'une opinion étrangère, qu'ils sont «modérés» et «démocrates», qu'ils n'ont rien à se reprocher dans la montée de l'extrémisme, la violence politique et le terrorisme en Tunisie, et qu'ils peuvent même parler au nom des Tunisiens et de la Tunisie. Et tirer des leçons de l'expérience tunisienne! De quelle expérience s'agit-il? De celle qui a fait de notre pays le plus important exportateur de jihadistes au monde (du moins par tête d'habitant) et où Ennahdha se connait sans doute très bien?
Non, Rafik Abdessalem, qui est poursuivi par la justice tunisienne dans une affaire de corruption et dont on connaît l'effronterie légendaire, n'éprouve aucune gêne à donner des «leçons» aux lecteurs occidentaux. Il ne s'embarrasse aucunement d'expressions comme «nous autres Tunisiens»...
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