La rue Bab Benat de Tunis a été prise d’assaut, hier dès le petit matin. Et pour cause: tout le monde voulait savoir le destin du RCD. Mais le verdict ne sera prononcé que le 9 mars prochain.
Suite à la demande de dissolution du Rassemblement constitutionnel démocratique (Rcd), présentée par Farhat Rajhi, ministre de l’Intérieur, une première décision a été prononcée, hier, par le Tribunal de première instance de Tunis. Le verdict ne sera rendu que le mercredi 9 mars.
Il s’agit d’une première du genre dans le pays. De quoi accuse-t-on le Rcd? Une liasse de dossiers à l’encontre de ce parti au pouvoir. Parmi les chefs d’accusation: le financement avec de l’argent public ; aucune trace de comptabilité, pas d’estimation des campagnes électorales, des abus sociaux, semer des troubles pendant la révolution, utiliser des snipers pour tuer les manifestants… La liste est interminable.
Ce qu’on reproche encore à ce parti «illégal», et qui n’a jamais eu d’autorisation – même s’il a été le parti de l’Indépendance –, c’est aussi de continuer à faire des dégâts dans le pays, même après Ben Ali et ses tortionnaires.
Des poches de résistance
Bien sûr, le parti a encore ses poches de résistance et ses défenseurs. Pour trouver «des circonstances atténuantes» à leur parti, il ne leur est resté que de jouer sur la carte de la mémoire. Un passé glorieux et des noms légendaires qui ont offert leur vie pour libérer la Tunisie.
«On trouve encore des mots pour défendre l’indéfendable!», murmure un avocat au barreau. Sa collègue n’est pas indifférente. «Il faut faire vite. Bon sang, qu’on en finisse avec ces diables et que tout le monde assume ses fautes. Nos collègues ont longtemps cru qu’ils étaient au dessus des lois et plusieurs parmi nous ont souffert à cause de leur pouvoir dans les différentes cellules du parti au pouvoir !», a-t-elle dit à Kapitalis, presque en chuchotant. Comme si elle craignait encore quelques bavures sécuritaires. On ne sait jamais! «Hier, on arrive à les repérer. Aujourd’hui, ils sont partout mais invisibles et imprévisibles et on craint parfois le pire», ajoute-elle.
Pour éviter tout débordement, une armada de soldats et d’agents de police a été mise en place, très tôt aujourd’hui mercredi, autour du palais de la justice de Tunis. Le hall du tribunal était bondé. Bousculer tout ce beau monde, c’est une mission impossible. La foule est composée de Rdcéistes, des adversaires du Rcd et de simples curieux.
Avec les manifestants
A quelques mètres du palais de justice, les manifestants de la Kasbah sont encore là. Mais pour une majorité de ces jeunes et moins jeunes, intellectuels ou carrément illettrés, le dossier du Rcd appartient déjà à l’ancienne histoire. Ce n’est pas l’avis d’un groupuscule de jeunes qui ont planté leur tente en face du ministère de la Défense. Il s’agit du scout de la région de Tunis qui réclame le départ du gouvernement provisoire. Oui, le scout qui a longtemps été financé par les cellules du Rcd. Ces jeunes aiment trop parler avec les médias et attendent impatiemment le passage de l’équipe de la chaîne Al Jazira pour y aller de leurs témoignages.
Un peu plus loin, une poignée d’universitaires qui sont ni pour ni contre le sit-in. Ils disent que c’est la révolution et c’est normal. Mais ils disent aussi que le mal vient des «mercenaires payés par l’Ugtt et par quelques extrémistes». Un soldat pas loin parle avec ses collègues. Il n’en revient pas encore et ne croit pas ses yeux et ses oreilles. La Peugeot pleine d’armes blanches, d’euros et de dollars, découverte la veille dans les parages, fait du bruit. Tout comme la voiture découverte peu de temps auparavant et qui était pleine de matière empoisonnante!
Zohra Abid