Nabil Karoui veut créer l'événement en diffusant ce soir, sur Nessma, un auto-entretien où il règle ses comptes avec les dirigeants de Nidaa Tounes. Circulez, il n'y a rien à voir!
Par Imed Bahri
L'homme, on le sait, est un adepte du mélange des genres. Et, aime se prendre pour ce qu'il n'est pas. Nabil Karoui, ci-devant patron de la chaîne privée Nessma, grand hâbleur devant l'Eternel, donnera un entretien à l'un de ses journalistes de service (cela s'appelle auto-entretien), genre dans lequel un autre patron de télévision était passé maître, Larbi Nasra pour ne pas le nommer, fondateur et ex-patron de Hannibal TV.
Cet auto-entretien, dont on devine déjà le degré zéro de professionnalisme, sera diffusé, en deux parties, ce soir et demain soir, à 21h30. Le suspense est à couper le souffle. Coeurs sensibles s'abstenir!
Mais de quoi M. Karoui va-t-il parler? Il va faire des révélations, dit un communiqué envoyé par ses services. Et sur quoi donc? Il n'est pas difficile de le deviner. Le magnat de télévision qui a espéré, il y a quelque temps, être adoubé par Ennahdha et Nidaa Tounes pour devenir Premier ministre (pas moins ?) et qui a eu le temps de guérir de ses chimères, a donc décidé de régler son compte à Nidaa Tounes.
Le communiqué précise, en effet, qu'il va parler des problèmes au sein du parti fondé en juin 2012 par Béji Caïd Essebsi. Là, on peut lui faire confiance, car ces problèmes, il en connait un coin, puisqu'il a contribué lui-même à les créer, à coups de manoeuvres, de manigances et de chahuts, auxquels sa chaîne a d'ailleurs largement contribué.
Nabil Karoui, nous dit-on aussi, va nous annoncer un scoop: «Nidaa Tounes est fini !» Il pourrait bien ajouter que ce parti est fini dès le jour où il n'a pas pris au sérieux les prétentions de... M. Karoui à une place au coeur de son appareil exécutif.
Par-delà ce que M. Karoui va déclarer, ce non-événement nous inspire quelques remarques. D'abord, le timing est très mal choisi, puisque l'entretien sera diffusé alors que le président de la république – et fondateur de Nidaa Tounes – est à l'étranger, en visite aux Etats-Unis. Il est mal choisi aussi puisqu'il intervient au moment où le parti semble avoir surmonté ses divergences internes, recollé ses morceaux et mis de l'ordre dans ses rangs. M. Karoui, qui a été parmi les diviseurs et qui a payé les frais de la réconcilaition, apparaitrait forcément comme un mauvais perdant.
Ensuite, il y a une évidente erreur de casting : M. Karoui – qui avait dansé, devant le siège de Nidaa Tounes, le soir de la proclamation de la victoire de Caïd Essebsi à la présidentielle – devrait rester ce qu'il est, à savoir un homme de publicité et de télévision et ne pas se prendre pour ce qu'il n'est pas : un homme politique. Et pour cause : la politique est une affaire sérieuse qui ne saurait être laissée aux saltimbanques et faiseurs d'audiences.
Enfin, Karoui n'est pas Berlusconi – même si Berlusconi est actionnaire dans Nessma – et la Tunisie n'est pas l'Italie.
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