Le pays va beaucoup mieux. La sécurité est de retour, lentement mais sûrement. Le gouvernement pare au plus urgent. Ben Ali est presque déjà oublié. Merci qui?
Quelques heures après l’annonce de son gouvernement, le nouveau Premier ministre par intérim a rencontré les médias. C’est son deuxième rendez-vous en moins de trois jours avec ce qu’il appelle «une presse libre et responsable». Libre peut-être. Responsable, il faut repasser...
Quoi qu'il en soit, Béji Caïd Essebsi aime visiblement communiquer. Il semble, en tout cas, y prendre goût. Ne se privant pas, au passage, de lancer quelque boutade. Sans pour autant perdre son sérieux. Car l’essentiel pour lui, comme pour nous, c’est de sauver le pays. Et ce n’est pas une mince affaire…
Le Premier ministre a promis de tenir informés, au détail près, les médias et il a tenu parole. Pour que la presse internationale suive son discours, le premier ministre a dû s’expliquer dans les trois langues (enfin presque!). «On allait changer tous les membres du gouvernement. Mais après avoir bien réfléchi, nous nous sommes dit que l’intérêt général doit passer avant toute autre chose», explique M. Essebsi.
Un gouvernement de sauvetage
Il ajoutera: «Nous avons déjà changé la mentalité de la politique ; et ce gouvernement n’est que provisoire. Il ne durera – et je l’espère bien – que cinq mois. Notre mission s’arrêtera le 24, le 25 ou le 26 juillet prochain tout au plus. C’est-à-dire avec l’élection de l’assemblée constituante. Une fois, celle-ci est opérationnelle, nous nous retirerons. On s’est dit qu’il vaut mieux composer avec les anciens. Sinon, les nouveaux n’auront même pas le temps de se familiariser avec leur bureau pour entamer leur boulot. Nous n’allons pas, en peu de temps, inverser les choses et j’ai dû discuter avec tout le monde. De la composition ministérielle qui existait, nous avons gardé au total sept. Les autres ministres étaient déjà secrétaires d’Etat. Ce qui est primordial aujourd’hui, ce sont les conditions de travail, la productivité, l’efficacité et la continuité de l’Etat… A mon sens, nous avons pris une décision d’honneur». Et le Premier ministre d’insister: «Il s’agit d’un gouvernement de sauvetage et de gestion des affaires de l’Etat. Aujourd’hui, il y a un climat de confiance. Et je me porterai garant de la suite».
Le pays va déjà beaucoup mieux
En ce qui concerne les médias, M. Caïd Essebsi s'est dit hostile au ministère de l’Information, que l’expérience avec le ministère de Communication était amère et qu’il vaut mieux avoir une presse libre et responsable. Il a déclaré aussi que le gouvernement compte sur l’Instance nationale indépendante pour la réforme du secteur de l’information pour va l’aider à mettre les points sur les «i» pour faire respecter la déontologie du métier. Pour le Premier ministre, il n’y a pas, aujourd’hui, plus important que la sécurité. «Le pays est beaucoup mieux ces derniers jours et ça se sent», rassure-t-il. Quant à la révélation de l’identité de ceux qui ont semé la terreur pendant la révolution et qui sont aujourd’hui arrêtés, le Premier ministre a dit que tout sera dit dans la transparence, «mais laissons la justice faire indépendamment son travail».
Et la dissolution de la police politique qui vient d’être annoncée? Caïd Essebsi n’a pas voulu être très précis: «On ne généralise pas. Mais tous ceux qui ont commis un crime, rassurez-vous, seront jugés. Au moment voulu, le ministre de l’Intérieur va répondre à toutes vos questions», s'est-il contenté de dire.
Qui veillera sur le bon déroulement des élections de l'assemblée constituante? Réponse du Premier ministre: «Il y a un comité qui travaille déjà sur le sujet. Si on ne réussit pas les élections dans la démocratie, ce sera une peine perdue et on ne réussira jamais», craint-il.
L’Ugtt n’a pas à diriger le gouvernement
Interrogé sur la relation entre l’Ugtt et le gouvernement, le Premier ministre a répondu clairement que la centrale syndicale a participé à la libération du pays, à la construction de l’Etat moderne et que sa contribution actuelle est souhaitable. «Le gouvernement consulte tout le monde. Il a consulté en particulier l’Ugtt…», a-t-il affirmé. Et de préciser que le bureau de la centrale syndicale intervient, certes, mais ce n’est pas à lui de diriger le gouvernement. L’Ugtt a, apparemment, pris des engagements pour laisser le gouvernement travailler en paix. On l’espère, car, à quelques mois de la première élection vraiment libre et transparente, la Tunisie a besoin de se remettre au travail sans plus tarder.
Zohra Abid