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«Brandir la Turquie comme un modèle ne serait pas la bonne approche pour la Tunisie, qui vise à construire sa propre démocratie», a déclaré lundi Ahmed Nejib Chebbi au journal turc ‘‘Hürriyet’’.


Le quotidien d’Istanbul a présenté le leader du Parti démocratique progressiste (Pdp), comme «le chef de file de l’opposition considéré comme un futur président» de la Tunisie, affirmation que l’intéressé ne démentira sans doute pas.

La réconciliation de l’islam et de la démocratie
«Le parti islamiste en Tunisie [Ennahdha] considère l’Akp, le parti pour la justice et le développement, au pouvoir en Turquie, comme un modèle. Mais la Tunisie ne veut pas suivre de modèle, nous voulons construire notre propre démocratie», a expliqué Chebbi, qui a pris part, lundi et mardi, à Istanbul, au Sommet des Leaders du changement.
«La société tunisienne a une grande sympathie pour la Turquie. Non seulement pour des raisons historiques, mais aussi en raison de son succès économique et de son nouveau rôle sur la scène internationale», a déclaré Chebbi. Le monde entier suit de près l’agenda politique de la Turquie «parce que les gens veulent voir à l’œuvre la réconciliation entre l’islam politique et la démocratie», a-t-il ajouté.
Evoquant ensuite le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE), Chebbi a estimé que ce processus est très important pour les autres États de la région. «Le processus d’intégration avec l’UE a beaucoup aidé la Turquie dans la réforme de ses institutions étatiques. Cependant, certains pays européens disent que la Turquie n’est pas européenne et ils ne veulent pas être des voisins avec la Syrie et l’Iran», a-t-il dit. Et d’ajouter: «Je voudrais voir la Turquie comme une partie de l’Europe. C’est la bonne attitude. Cela porterait la Turquie et l’ensemble de la région vers la stabilité et la paix.»

«La Tunisie n’est pas laïque»
Décrivant la Tunisie comme un pays qui a un esprit laïque «avec une longue histoire de la modernité sur plus de 150 ans», Chebbi a expliqué: «La Tunisie n’est pas un pays laïque. Dans notre Constitution, il est écrit que nous sommes un Etat arabe et islamique. Mais nous ne sommes pas régis par la loi religieuse, mais par la règle de droit. Les femmes ont obtenu leur liberté dans de nombreux domaines depuis 1956. Notre société est régie par un esprit profane».
Chebbi considère que les partis islamistes ne sont pas à craindre en Tunisie. «Je ne pense pas que la Tunisie doit avoir de l’islamisme. Les partis islamiques font partie de notre spectre politique. Ils ont été bannis de la scène politique depuis longtemps, depuis plus de 20 ans. Maintenant, ils sont libres et ils sont partie prenante dans le processus de restauration. Ils participeront au nouveau paysage politique démocratique comme les autres partis.»
La Tunisie est aujourd’hui un pays libre, et où la liberté de manifester et la liberté d’expression sont de mise, a également dit Chebbi. «Il y a en ce moment 50 partis politiques, et beaucoup d’organisations sociales partout dans le pays», a-t-il ajouté.
Depuis le déclenchement de la première étincelle de la révolution en Tunisie, il a été très important pour le pays d’organiser des élections libres et d’ériger des institutions démocratiques, a encore expliqué le leader du Pdp.

Etre un exemple pour les autres pays arabes
«Nous sommes fiers d’être le premier pays à avoir réussi cette révolution. Mais les défis sont nombreux», concède-t-il. «Nous avons fait la première étape. Si nous parvenions à construire le pays et à organiser des élections libres, alors nous pourrions être un exemple pour les autres pays arabes dans la région où des révoltes ont aussi éclaté.»
Chebbi a insisté sur le rôle important joué par les réseaux sociaux dans la révolution tunisienne. «Nous autres Tunisiens, nous savions que quelque chose devait se passer pour renverser le gouvernement despotique. Et ce serait grâce à la jeune génération. Facebook et autres réseaux sociaux ont joué un grand rôle. A la fin tout s’est déroulé en seulement quatre semaines.»

I. B.