Kadhafi a-t-il contribué au financement de la campagne électorale du président français Nicolas Sarkozy, en 2006? La question peut paraître saugrenue, sauf que…
Sauf que c’est le fils du leader libyen, Saïf Al-Islam, qui a demandé, dans une interview diffusée mercredi sur Euronews, au président français de rendre «l’argent qu’il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale. C’est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler.» Et Saïf El Islam d’enfoncer le clou, avec des mots très peu choisis: «La première chose que l’on demande à ce clown, c’est de rendre l’argent au peuple libyen. Nous lui avons accordé une aide afin qu’il œuvre pour le peuple libyen, mais il nous a déçus».
Des preuves seraient «publiées prochainement»
Saïf El Islam, qui a oublié, depuis l’éclatement de la révolte contre le régime dictatorial de son père, toutes ses idées libérales et réformistes, se transformant au passage en un seigneur de guerre prêt à faire la guerre à tout le peuple libyen, a même assuré que des preuves de ses accusations seraient «publiées prochainement». «Nous avons tous les détails, les comptes bancaires, les documents, et les opérations de transfert», a-t-il souligné, menaçant.
Il convient de rappeler, à ce propos, qu’après la reconnaissance officielle par la France de l’opposition libyenne, Kadhafi avait fait savoir, le 10 mars, qu’il révélerait un «grave secret» qui pourrait entraîner la chute du président français. Le «grave secret» n’est donc pas la présumée «folie» de Sarkozy, révélée le 15 mars avec cette déclaration du colonel: «C’est mon ami, mais je crois qu’il est devenu fou. Il souffre d’une maladie psychique. C’est ce que dit son entourage.» Le «grave secret» serait donc plutôt cette soi-disant contribution de Tripoli au financement de la campagne électorale du président français.
L’interview de Saïf El Islam et de son père doivent être replacée dans leur contexte. Nicolas Sarkozy s’étant déclaré favorable à des «frappes aériennes ciblées» en Libye, Kadhafi n’a pas tardé à lui répondre, dans un discours diffusé à la télévision libyenne mardi soir, qui plus est, avec des mots injurieux: «Et la France qui lève maintenant la tête et veut attaquer la Libye. Est-ce que tu veux attaquer la Libye espèce d’idiot? C’est nous qui allons t’attaquer, viens et essaie de nous attaquer!», a-t-il dit, en s’adressant directement au président français.
Une propension au mensonge et à la désinformation
Kadhafi père et fils se sont illustrés, depuis le début de la crise, par une trop grande propension au mensonge et à la désinformation. Il suffit de relire leurs déclarations et de les confronter aux réalités dans leur pays pour s’en rendre compte. Il n’en demeure pas moins que les affirmations de Saïf El islam, par-delà l’esprit de vengeance qui les anime, ont créé un véritable malaise dans l’opinion française.
Du coup, le soutien inconditionnel de Sarkozy et de «sa» France aux dictateurs arabes, de Ben Ali à Moubarak, en passant par Kadhafi, s’éclaire d’une lumière décidément trop crue.
I. Bahri