La question de savoir s’il est pour ou contre l’intervention militaire des puissances occidentales, M. Essebsi a répondu en bon diplomate qu’il est: «Nous soutenons la légalité internationale. La Ligue arabe en a fait autant.»
«Aucun État arabe n’a bougé»
Avant d’expliquer le revirement de la Ligue arabe: «L’actuel secrétaire de la Ligue Arabe [Amr Moussa] est candidat aux prochaines élections présidentielles en Égypte, il ne faut pas l’oublier», a-t-il dit. Et d’ajouter: «Si le monde était bien fait, ces opérations en Libye auraient dû être conduites par la Ligue arabe. Regardez, aucun État arabe n’a bougé.»
Pour expliquer la non-implication de la Tunisie dans les interventions militaire en Libye, M. Essebsi a dit: «Attention, pour nous la Libye ce n’est pas l’étranger, c’est une affaire intérieure. Les mêmes familles vivent des deux côtés de la frontière. Presque chaque ville de Tunisie possède son quartier tripolitain. Nous avons reçu plus de 160.000 réfugiés en quelques semaines. Nous n’avons pas crié à l’invasion. Nous leur avons porté secours dans la limite de nos moyens. Les habitants des régions frontalières les ont reçus chez eux. On ne nous a pas signalé de mécontentement local.»
«Les héros sont fatigués»
Le Premier ministre a profité de l’occasion pour passer à l’attaque: «Vous, en France, quand dans un moment de crise, 5.000 Tunisiens débarquent à Lampedusa, très, très loin de votre territoire, vous y voyez un cataclysme. Marine le Pen court à Lampedusa. Il vaut mieux rester calme. Ce sont des drames humains accidentels qui ne tirent pas à conséquence irrémédiable. On fait avec. Vous réalisez: 160.000 immigrés survenant soudainement chez nous, toute proportion gardée, c’est l’équivalent d’un million d’immigrés en France en quelques jours. Je n’ose même pas imaginer la panique. Je ne donne de leçon à personne mais je crois que la démocratie consiste justement à régler sans heurt les problèmes qui surgissent naturellement dans une société. A propos de cette vague d’immigration, j’ai entendu des voix nous féliciter, ‘‘Vous êtes des héros’’, m’a-t-on dit. J’ai répondu, merci mais les héros sont fatigués, tout cela coûte cher et nous sommes un petit pays en difficulté économique. Aidez nous un peu en attendant que la Libye entre dans une ère de stabilité.»
«Il ne faut pas insulter l’avenir»
Comment les choses devraient évoluer dans le pays voisin? «Je suis un disciple de Bourguiba. Il disait souvent: ‘‘il ne faut pas insulter l’avenir’’. Ce que je retiens de la crise libyenne et ce qui m’accable, ce sont les massacres. Un gouvernement, une armée tire sur son peuple comme on ne le ferait pas contre un peuple ennemi. Nul n’a plus le droit de tuer son peuple. Cela doit cesser. Il faut une solution claire et nette. Un État, un gouvernement, l’ordre public.»