Selon l’agence officielle Tap, c’est le président par intérim Foued Mebazaa qui a démis de ses fonctions l’ex-ministre de l’Intérieur, Farhat Rajhi, sur «proposition de Béji Caïd Essebsi, Premier ministre». Mais pourquoi?
En l’absence d’explication, comme au bon vieux temps de Ben Ali, le limogeage de M Rajhi ouvre la voie à toutes les supputations. S’agit-il d’une sanction, d’une révolution de palais ou d’une reprise en main du système sécuritaire? Reste à savoir une reprise en main par qui et pour quel dessein.
On ne peut pas plaire à tout le monde
Quoi qu’il en soit, ce limogeage intervient quelques jours après qu’une pétition contre M. Rajhi eut circulé parmi les forces de l’ordre. Ce qui laisse penser que M. Rajhi, qui fait l’unanimité parmi les Tunisiens, s’est fait quelques ennemis au sein de la machine sécuritaire. Le contraire nous aurait sans doute étonnés. N’a-t-il pas su ne pas aller trop loin dans le nettoyage des écuries d’Augias? Endosse-t-il, à l’insu de son plein gré, les premiers écarts de conduite des services de police accusés par certains manifestants arrêtés le week-end dernier d’avoir recouru à la violence verbale et physique lors des interrogatoires?
La théorie du complot étant difficile à défendre, celle du fusible pourrait paraître plus vraisemblable. Encore faut-il que M. Caïd Essebsi prenne la parole pour justifier sa décision et mettre fin aux supputations. Et pour cause : M. Rajhi n’était sans doute pas l’un des meilleurs ministres de l’Intérieur que la Tunisie ait connu, mais il n’était pas non plus l’un des plus mauvais. On peut même dire qu’il n’a pas démérité à la tête d’un département aussi ingérable, qui plus est, à une période pleine de troubles.
Qui n’aime pas M. Rajhi?
Flash-back: M. Rajhi avait été nommé ministre de l’Intérieur le 27 janvier, deux semaines après la chute du président Zine El Abidine Ben Ali. Ses premières apparitions sur les chaînes de télévision lui avaient valu beaucoup de sympathie. Des milliers d’internautes l’avaient alors qualifié de «Monsieur propre» et d’«homme de la situation» lorsqu’il avait raconté l’invasion de son bureau par des centaines de policiers et de partisans de président déchu.
Dès sa prise de ses fonctions, M. Rajhi avait limogé des dizaines de directeurs au sein du ministère, symbole du régime oppressif de l’ex-président Ben Ali, et pris le 6 février la décision historique de suspendre le Rassemblement constitutionnel démocratique (Rcd, parti de Ben Ali). Le 7 mars, il avait pris une autre mesure populaire en annonçant la suppression de la direction de la sûreté de l’Etat et toute forme d’organisation s’apparentant à la police politique.
Est-ce pour ses œuvres complètes qu’il a été remercié ou pour une dernière bourde qui a fait déborder le verre… de la rancœur?
Ridha Kéfi