Même si le sit-in de La Kasbah III, vendredi, n’a pas eu l’ampleur (et l’écho) qu’espéraient ses organisateurs. Une armada d’agents de sécurité a barré toutes les routes des manifestants.


Côté citoyens: il n’en est pas question de revenir sur une décision. Ils l’ont déjà dit et redit plus d’une fois: «Si vous reveniez, nous reviendrons», et le message lancé au gouvernement provisoire a été clair… Jusqu’à nouvel ordre.

Le bras de fer se poursuit
Au départ, les manifestants ont cru au Premier ministre par Intérim, Béji Caïd Essebsi qui était compréhensif, paternel et rassurant. Trois semaines après son premier discours, les choses ont commencé à déplaire aux citoyens, de plus en plus insatisfaits. La nomination de certains symboles de l’ère Ben Ali, qui plus est, à des centres de décision dérangent et inquiètent. Le fait de ne pas encore juger les collaborateurs du président déchu, irrite et déçoit. La confiance du début a commencé à s’éroder et l’idée d’un retour au sit-in a fait son chemin. L’information a fait le tour, comme d’habitude, sur Facebook et le rendez-vous a été fixé pour vendredi à La Kasbah. Que ça passe ou ça casse!


L'accès à l'esplanade du Palais du Gouvernement à la Kasbah bien gardé par l'armée.

Côté gouvernement, on veut en finir avec ce jeu devenu paralysant. Il n’est plus question de céder à la pression de la rue. Le message de Béji Caïd Essebsi, mercredi à la télévision, a attisé la colère des citoyens. Selon le Premier ministre par intérim, l’Etat doit préserver sa notoriété et que les choses soient claires. Ce n’est pas à chaque fois qu’on n’est pas d’accord sur quelque chose qu’on a droit à faire un sit-in et à arrêter de travailler. M. Caïd Essebsi a même attiré l’attention des citoyens sur la fragilité économique et sur le danger qui ne manquerait pas de menacer le pays si on devait continuer de manifester et de faire l'école buissonnière.


Des barbelés pour empêcher les manifestants de s'approcher du Palais du Gouvernement.

Les forces de l’ordre empêchent le sit-in
Dans la nuit de jeudi à vendredi, une armada d’agents de police a été déployée à La Kasbah pour faire barrage aux protestataires. Des fils de barbelé ont ceinturé la place. Toutes les issues ont été prises très tôt d’assaut par les forces de l’ordre et les militaires. Les hélicoptères n’ont pas cessé de sillonner le ciel toute la journée du vendredi, et on a cru que le même scénario était en train de se répéter. Impossible pour les manifestants de pouvoir pénétrer à La Kasbah où on vient de peindre les murs, effacer toute trace des précédents sit-in et replanter des fleurs dans les jardins entourant le jet d’eau. Les manifestants n’ont plus d’autre choix sauf de rebrousser chemin et de se disperser au courant de l’après-midi. Direction: le centre-ville et les rues avoisinantes. Là aussi, la police est aux aguets. Et le jeu du cache-cache a duré jusqu’à la nuit. La police a dû empêcher les foules de s’approcher des bâtiments publics, parfois de manière musclée. Quelques bombes lacrymogènes ont été utilisées pour dissiper les manifestants. Des coups de feu ont été tirés en l’air. Il n’y a pas eu de blessés. Très peu de dégâts ont été enregistrés. Il faut dire que la plupart des commerçants du centre-ville ont baissé leurs rideaux dès le début de l’après-midi.
Reste à savoir jusqu’à quand ce jeu va-t-il durer, au risque de paralyser le travail gouvernemental et d’aggraver la situation économique, déjà inquiétante, dans le pays.

Zohra Abid