Le premier vol pour la saison de la «ômra» (petit pèlerinage) est parti mardi soir de l’aéroport Tunis-Carthage. Bonne occasion pour évoquer le système mis en place par l’ex-régente de Carthage pour gruger les pèlerins tunisiens.


La Commission nationale du pèlerinage s’est réunie, mardi, au siège du ministère des Affaires religieuses, sous la présidence du ministre Laroussi Mizouri. Selon l’agence officielle Tap, ce dernier a rendu compte «des résultats positifs» de sa rencontre à Djeddah avec Abdessalem El Farsi, ministre saoudien du Pèlerinage. Le responsable a fait part de l’attachement des responsables saoudiens à satisfaire les demandes tunisiennes relatives aux conditions d’hébergement des pèlerins tunisiens à La Mecque et à Mina, a précisé aussi le responsable. En se félicitant du fait que le coût des rites de la «ômra» a baissé cette année de 15% comparé aux tarifs de l’année dernière.

Une affaire  juteuse gérée par Leïla et ses frères
L’une des causes de cette baisse, et pas des moindres, le pèlerinage et la «ômra» était, sous l’ancien régime, une affaire  juteuse qui permettait à Leïla Ben Ali et aux membres du clan des Trabelsi de se sucrer sur le dos des pèlerins. Une autre raison, les Saoudiens, qui ont offert l’asile à l’ancien couple présidentiel tunisiens, ne sont pas peu satisfaits du fait que Leïla Trabelsi et ses frères ne sont plus leurs interlocuteurs incontournables voire obligés en matière de gestion du pèlerinage en provenance de la Tunisie.    
Dans son livre ‘‘Ben Ali le ripou’’, Béchir Turki démonte le système mis en place par cette famille maléfique pour monopoliser et tirer d’importants bénéfices de l’activité du pèlerinage (petit et grand) des Tunisiens à la Mecque.
L’auteur, ancien haut officier de l’armée tunisienne, qui a connu Ben Ali du temps où ils travaillaient ensemble au ministère de la Défense et étaient voisins de palier au quartier du Bardo, raconte dans son livre l’épisode de l’annulation du pèlerinage de 2009 et, à travers son récit, on découvre le mécanisme mis en place par les Trabelsi pour voler les pèlerins tunisiens.

Le faux prétexte de l’épidémie de la grippe porcine»
«Officiellement, les Tunisiens ont été privés du pèlerinage cette année là à cause de l’épidémie de la grippe porcine», note l’auteur. Or, cette épidémie a été un faux prétexte. Car, affirme-t-il, «la véritable raison est beaucoup plus sommaire, et difficile à faire accepter par les milliers de Tunisiens et de Tunisiennes candidats au pèlerinage cette année-là». Quelle est donc la vraie raison de l’annulation du «haj» en 2009?
Selon M. Turki, les Résidences des hôtes du Palais de Carthage, qui se trouvent en face de l’hôtel Karthago-Le Palace, jadis propriété de Belhassen Trabelsi, sont gérées, comme tous autres palais présidentiels, par la Société des services nationaux et des résidences (Ssnr). Cette société, dont le siège se trouve à l’immeuble Jrad, rue du Lac Turkana, au quartier des Berges du Lac, à Tunis, et qui dépend directement de la Présidence de la république «a, inexplicablement, l’exclusivité de l’organisation des pèlerinages à La Mecque», note l’auteur. Il précise que cette société «est la seule interlocutrice auprès des Saoudiens. Le payement des frais de pèlerinage des Tunisiens se fait sur la base d’une formule convenue entre les deux parties: 60% en nature (huiles, dattes et autres produits s’exportation tunisiens) et 40% en devises».
Selon M. Turki, la Ssnr n’a pas honoré les factures contractées auprès des autorités saoudiennes durant les années 2007 et 2008. «Où est allé l’argent payé par les pèlerins ces années-là?», se demande-t-il. Tous les Tunisiens ont aujourd’hui la bonne réponse à cette question. Le problème, car problème il ya eu, c’est que les Saoudiens ont réclamé le payement des arriérés avant de s’engager à accueillir les pèlerins tunisiens pour la saison 2009. Quelle a donc été la réponse de l’Etat tunisien à cette intransigeance de Riyad? Il «a préféré camoufler la vérité en décidant l’annulation du pèlerinage au prétexte fallacieux de l’épidémie de grippe porcine», note M. Turki. Pourtant, souligne-t-il, 8.000 «haj» (pèlerins) ont payé le prix du voyage et de l’hébergement à La Mecque et à Médine à la société organisatrice. Beaucoup d’entre eux n’ont pas été remboursés. Pour 2010, les prix a été établi à 5.626 dinars par pèlerin (12.000 dinars pour les Tunisiens résidents à l’étranger qui payent en devise pour des services quasiment similaires), soit donc une recette annuelle minimale de 25 millions de dinars environ, et des gains nets pour la Ssnr estimés de 40 à 50%.»
Où est cet argent? Le gouvernement va-t-il ordonner, s’il ne l’a déjà fait, un audit des comptes de cette société où l’ex-«régente» puisait à satiété pour payer ses caprices?

Imed Bahri