utica
Faouzi Belhaj ne mâche pas ses mots: «L’Utica est prise aujourd’hui en otage par une poignée de personnes qui jouent de l’avenir du pays. Ce sont des criminels».


Le coordinateur du comité «Sauvons l’Utica» parlait au cours d’une conférence de presse, mardi, à l’Institut arabe des chefs d’entreprise (Iace). Il faut faire rapidement le ménage dans le syndicat patronal, dit-il. Sinon, il lui serait difficile de se relever.
Walid Debbass, membre du même comité – né au lendemain du 14 janvier – a passé en revue la chronologie de trois mois de crise au sein de l’Utica. Avant de tirer la sonnette d’alarme: tous les indicateurs économiques clignotent au rouge et l’heure est grave. Car, la régression du niveau de la production industrielle est au plus bas avec une baisse de 13%, les intentions d’investissements dans l'industrie affichent une chute de 36% et les recettes touristiques sont en baisse de 44% avec une augmentation galopante du nombre de chômeurs qui a atteint déjà les 35% ; et ce n’est pas encore terminé!
Le temps ne joue pas en faveur du pays, prévient M. Debbass. Comme tous ses camardes, il accuse l’Utica actuelle, dirigée par Hamadi Ben Sedrine, de ne rien faire pour essayer de redresser la situation et de participer ainsi à la dégradation de l’économie du pays.

Pour une Utica indépendante et démocratique
Faouzi Belhaj, qui partage le même avis quand au rôle négatif du bureau exécutif actuel, appelle à un changement radical de la centrale patronale, et au plus vite. Après avoir mis le doigt sur les plaies causées par la mauvaise gestion de l’organisation, il a préféré s’attaquer aux personnes et à leurs manœuvres qui rappellent l’ancien régime et les vieilles pratiques.
Selon lui et ses camardes, après la démission de Hédi Djilani, «mouillé jusqu’au cou avec la famille et ses intérêts» dit-il, il y a Hamadi Ben Sedrine – président par intérim de la centrale jusqu’au prochain congrès prévu en juin – qui s’est  entouré d’hommes qui occupaient, eux aussi, des postes soit au Rcd, l’ancien parti de Ben Ali, soit dans les communes ou ailleurs. Ces derniers, dont certains exercent encore leur pouvoir dans leur région, ne sont là que pour défendre leurs propres intérêts. «Les réunions sont organisées selon les méthodes du Rcd et les élections, qui étaient toujours des nominations déguisées, ne vont pas changer. Ces gens là n’ont pas encore compris qu’il y a eu une révolution et que l’Utica doit suivre le mouvement. Ces personnes ont cru qu’il y a eu seulement un orage qui va passer avec le temps et que le soleil va briller à nouveau… pour eux», dénonce M. Belhaj, tout en s’engageant de ne plus baisser les bras face à ce comportement indigne.
«Nous n’avons plus le droit de nous taire. Dès le 16 janvier, nous nous sommes mis d’accord pour mettre fin à tout ce qui nuit à cette structure. Dorénavant, ce sera une Utica forte, indépendante, démocratique, représentative et non affiliée à aucun parti. Nous voulons des élections vraies, transparentes et non truquées. Et plus jamais de nominations», jure-t-il.

Les dessous des cartes du bureau actuel
A propos de la transparence, M. Belhaj a brandi un badge comme preuve des manœuvres en vigueur au sein de l’organisation. De quoi s’agit-il? Réponse de M. Belhaj: «Le conseil ne compte que 290 membres. Le jour du conseil national de l’Utica, j’ai été surpris de voir mon nom sur le badge portant le numéro 321. Qui sont les autres? Je vous laisse imaginer».
Fort de cette preuve de manipulation, M. Belhaj s’attaque crûment au bureau exécutif actuel et affirme avoir intenté un procès auprès des tribunaux. D’autres plaintes à l’encontre de l’Utica sont en cours. Car, il y a eu même des menaces physiques. Et de préciser que le comité «Sauvons l’Utica» est volontaire. Il a pour mission de sauver l’Utica des griffes de ces personnes. «Ce sont toujours les mêmes profils et les mêmes pratiques. Les responsables de l’ancien régime qui siègent dans les régions ont toujours le bras long et suscitent la colère des habitants. Comment contenir cette colère? Regardez ce qui s’est passé dans les régions du sud, ainsi qu’à Tabarka contre Jilani Dabboussi! Ce qui se passe dans l’Utica est grave», a-t-il ajouté. L’organisation avance à reculons.
Le comité «Sauvons l’Utica» est déjà présent dans 15 gouvernorats et regroupe plus de 1.450 responsables nationaux, régionaux et locaux membres du syndicat patronal. «Par ce comité, nous souhaitons contribuer à sauver et à renforcer l’Utica qui passe par une grave crise. Jusque-là, le bureau exécutif a brillé dans le paysage économique par son absence pendant tout un trimestre. Il est désormais dans l’incapacité d’assumer ses obligations économiques et sociales en tant que promoteur de l’emploi, de l’investissement et en tant que garant de la pérennité de l’entreprise», dénonce et accuse le coordinateur du comité. Que propose-t-on donc pour changer tout cela?

Une assemblée constituante sans les Rcdistes
Selon les membres du comité, en tant que force syndicale, l’Utica a un rôle à jouer, celui de «rassurer les investisseurs nationaux et internationaux, de contribuer au développement régional, de proposer des solutions innovantes pour la création d’emploi». Pour qu’elle puisse jouer ce rôle, il faut se débarrasser des symboles de l’ancien régime qui s’accrochent à leur fauteuil et qui font perdre au pays beaucoup de temps.
«Il y a des pressions au niveau régional pour que le changement soit le plus rapide possible. Notre comité a décidé de contenir cette énergie et d’agir de manière légale et responsable. Nous avons donc décidé d’engager au niveau national et régional les préparatifs d’une assemblée constituante afin de réhabiliter l’Utica pour qu’elle redevienne forte et démocratique, et qu’elle joue enfin son rôle d’acteur majeur du développement économique du pays», a annoncé M. Belhaj. Mission de cette assemblée constituante: «désigner une commission de gestion composée de personnes intègres et n’ayant pas eu de responsabilités au Rcd, réviser les statuts et le règlement intérieur de l’organisation afin qu’ils garantissent une bonne gouvernance, organiser des élections de renouvellement de l’ensemble des structures de manière transparente et démocratique», a-t-il expliqué. Et de lancer un appel et à la mobilisation générale de tous les professionnels (industriels, commerçants, artisans, prestataires de service) pour adhérer massivement aux structures professionnelles et régionales de l’Utica, suspendre toute collaboration avec le bureau exécutif  illégitime, et venir appuyer la démarche du comité «Sauvons l’Utica».

Zohra Abid