police tunisie
Trois mois après la chute du régime hyper policier de Ben Ali, l’appareil sécuritaire cherche à se définir un nouveau rôle dans une démocratie en devenir. Ce n’est guère évident et l’apprentissage n’est pas exempt de ratés.
Par Samir Messali 


Issu lui-même de l’appareil sécuritaire, le président déchu en a fait sa propre armée qui lui a permis de tenir le pays avec une main de fer durant 23 ans. Sous son règne musclé, la Tunisie offrait l’exemple même de l’Etat policier où la police avait un droit de regard sur tout ce qui passait dans le pays. De la liste des livres pouvant être importés jusqu’aux noms des fidèles fréquentant chaque mosquée à la prière de l’aube. Elle avait un pouvoir étendu sans craindre d’être contrôlée ou réprimée. L’équilibre en son sein était assuré par les fractions opposées.

Après la surprise, le choc
La grosse machine était certes régie par une réglementation interne mais les instructions primait sur tout, ce qui ouvrait la voie aux diverses violations de droits de l’Homme. Et gare à celui qui ne respecte pas les instructions!
La révolution du 14 janvier a pris tout le monde de court, y compris l’appareil de la sûreté. Mettez-vous à la place d’un officier de police à qui on a fait comprendre, durant les vingt dernières années, que les opposants sont des traîtres qui ont vendu leur âme aux étrangers. Que les islamistes constituent un danger absolu pour l’existence de l’Etat. Et qu’il faut protéger corps et âme le président et sa famille.
Après la révolution, outre ce sentiment d’avoir failli à sa mission de maintien de l’ordre public et d'avoir protégé l'ancien pouvoir, cet officier découvre d’un coup que le président, sa femme et leurs familles ne forment rien d’autre qu’une mafia qui spoliait le peuple et dont même son supérieur le plus gradé  pourrait être membre. Que les islamistes dont il traquait le moindre mouvement occupent désormais en toute liberté les rues et les plateaux de télévision. Et que cette journaliste qu’il avait fait poursuivre nuit et jour durant de longues années ose l’accuser publiquement sur le plateau de la télévision nationale. Et ce peuple qu’il croyait sincèrement protéger le met aujourd'hui sur le banc des accusées. Le choc est alors terrible. Insupportable. Et le fait d’avoir les militaires à son côté pour maintenir l’ordre public n’a fait qu’accentuer ce sentiment d’avoir failli à sa mission.
On se mettant à la place de cet officier, on pourrait peut-être mieux comprendre le comportement de la police durant les jours qui ont suivi la révolution. Maintenant, est-ce qu’elle est complice ou victime de la machine de Ben Ali? Seul la justice en décidera et au cas par cas.

La difficile transition
En cette phase de transition, le corps de la sûreté reprend peu à peu ses positions et sa mission de maintien de l’ordre public. Il semble assimiler petit à petit les aspirations du citoyen d’après révolution et reprendre avec lui un dialogue que l’on souhaite clair et responsable.
Cependant il est devant une occasion historique. En attendant que le peuple désigne ses représentants à l'assemblée constituante le 24 juillet prochain, c’est une occasion pour le corps de la sûreté nationale de retrouver et de renforcer son indépendance vis-à-vis du pourvoir politique. La recette est simple: faire appliquer la loi, rien que la loi et l’appliquer à tout citoyen quelle que soit son appartenance politique ou son statut social, et même s’il fait partie du corps de la sûreté lui-même. Ce faisant, il deviendra une pièce maîtresse dans la construction de la démocratie dans ce pays.

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La police tunisienne à la recherche d’un nouveau rôle

Trois mois après la chute du régime hyper-policier de Ben Ali, l’appareil sécuritaire cherche à se définir un nouveau rôle dans une démocratie en devenir. Ce n’est guère évident et l’apprentissage n’est pas exempt de ratés. Par Samir Messali

Issu lui-même de l’appareil sécuritaire, le président déchu en a fait sa propre armée qui lui a permis de tenir le pays avec une main de fer durant 23 ans. Sous son règne musclé, la Tunisie offrait l’exemple même de l’Etat policier où la police avait un droit de regard sur tout ce qui passait dans le pays. De la liste des livres pouvant être importés jusqu’aux noms des fidèles fréquentant chaque mosquée à la prière de l’aube. Elle avait un pouvoir étendu sans craindre d’être  contrôlée ou réprimée. L’équilibre en son sein était assuré par les fractions opposées.

Passé la surprise, le choc

La grosse machine était certes régie par une réglementation interne mais les instructions étaient au-dessus de tout, ce qui ouvrait la voie aux diverses violations de droits de l’Homme. Et gare à celui qui ne respecte pas les instructions!

La révolution du 14 janvier a pris tout le monde de court, y compris l’appareil de la sûreté. Mettez-vous à la place d’un officier de police qui, durant les vingt dernières années, on lui a fait bien comprendre que les opposants sont des traîtres qui ont vendu leur âme à des étrangers. Que les islamistes constituent un danger absolu pour l’existence de l’Etat. Et qu’il faut protéger corps et âme le président et sa famille.

Après la révolution, outre ce sentiment d’avoir failli à sa mission de maintenir l’ordre et de protéger le pouvoir, cet officier découvre d’un coup que le président, sa femme et leurs familles ne forment rien d’autre qu’une mafia qui spoliait le peuple et que même son supérieur le plus gradé  pourrait en être membre. Les islamistes dont il traquait le moindre mouvement occupent désormais en toute liberté les rues et les plateaux de télévision. Et que cette journaliste qu’on avait poursuivi nuit et jour durant de longues années ose l’accuser publiquement sur le plateau de la télévision nationale. Et ce peuple qu’il ne voulait sincèrement que protéger le met sur le banc des accusées. Le choc est alors terrible. Insupportable. Et le fait d’avoir les militaires à son côté pour maintenir l’ordre public n’a fait qu’accentuer ce sentiment d’avoir failli à sa mission.

On se mettant à la place de cet officier on pourra pourrait peut-être mieux comprendre le comportement de la police durant les jours qui ont suivi la révolution. Maintenant, est-ce qu’elle est complice ou victime de la machine de Ben Ali. Seul la justice en décidera et au cas par cas.

La difficile transition

Maintenant en cette phase de transition le corps de la sûreté reprend peu à peu ses positions et sa mission de maintien  l’ordre public. Il semble assimiler petit à petit les aspirations du citoyen d’après révolution et reprendre avec lui un dialogue que l’on souhaite clair et responsable.

Cependant il est devant une occasion historique. En attendant que peuple désigne ses représentants le 24 juillet prochain, c’est une occasion pour le corps de la sûreté nationale de retrouver et de renforcer son indépendance vis-à-vis du pourvoir politique. La recette est simple: faire appliquer la loi, rien que la loi et l’appliquer à tout citoyen quel que soit son appartenance politique ou son statut social, et même s’il fait parti du corps de la sûreté lui-même.

Ce faisant, il deviendrait une pièce maîtresse dans la construction de la démocratie dans ce pays.