Des sit-in, des grèves, des entreprises qui gèlent leurs activités, des sociétés qui déposent le bilan… Cela ne dérange pas outre mesure l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt). Par Ali Ben Mabrouk
La centrale, qui n’a de cesse de revendiquer son droit à défendre les salariés par tous les moyens, y compris le harcèlement physique et moral des chefs d’entreprises, ira jusqu’à créer de nouveaux chômeurs, provoquant au passage la crainte des investisseurs dont la Tunisie a tant besoin pour faire redémarrer une économie qui peine à carburer à plein régime.
Les revendications pas toujours justifiées des salariés
La Tunisie de l’après 14-Janvier souffre et l’économie risque la paralysie, alors que l’Ugtt continue d’encourager ses délégués syndicaux auprès des entreprises, tunisiennes et étrangères, à s’insurger contre leurs patrons avec des revendications parfois absurdes. On a vu des ouvriers exigeant le départ du patron fondateur de l’entreprise. D’autres espèrent recevoir une part des bénéfices réalisés par la société. Les plus mécontents aimeraient voir le salaire de certains dirigeants réduit de moitié pour distribuer la différence à l’ensemble des autres employés.
L’Ugtt s’attaque aux sociétés étrangères implantées en Tunisie depuis des décennies comme British Gas, Cfct ou Jal Group car ces sociétés ont investi énormément en Tunisie et ne peuvent pas s’en aller du jour au lendemain. L’Ugtt s’est attaqué auparavant à quelques groupes tunisiens et elle a échoué, les Ben Ayed et Mhiri ont préféré geler les activités de quelques établissements comme Carthage Land ou l’hôtel Africa pour ne pas céder aux revendications déplacées des salariés qui n’ont pas conscience que le pays passe par des moments difficiles. La situation en Tunisie n’est guère reluisante et les grèves n’ont eu que des effets négatifs. Le nombre des chômeurs a augmenté avec la fermeture des établissements secoués par tant d’agitations.
Il est évident que la révolution du 14-Janvier a donné la possibilité à chacun de s’exprimer librement. Les langues se sont déliées et les pires insanités sont souvent entendues. Les plus touchés sont les patrons à qui le mot «dégage» est devenu synonyme d’ingratitude et de malveillance. Plusieurs d’entre eux ont préféré se retirer laissant la place à d’autres subalternes qui ont vite tourné la veste et oublié dans la foulée qu’ils étaient, il n’y a pas longtemps, de fervents partisans du Rcd, l’ex-parti au pouvoir.
L’Ugtt défend les travailleurs, mais aggrave aussi le chômage
Tout le monde veut des sous, c’est tout à fait légitime, surtout que le coût de la vie en Tunisie ne cesse de s’élever et que les factures à payer sont de plus en plus gonflées. Seulement là où le bât blesse c’est quand les revendications des employés dépassent l’entendement. On exige souvent des employeurs des augmentations salariales qui, dans le cas où elles sont satisfaites, pourraient causer la ruine de l’établissement. Comme c’est le cas de cette société de transport qui emploient 50 conducteurs, tous des jeunes et qui ont à peine commencé à exercer un vrai métier. Ils ont accepté de travailler 9 heures par jour pour recevoir à la fin du mois la modique somme de 250 dinars. Jusqu’au 14 janvier, ils acceptaient malgré eux cette situation, certes difficile, mais loin d’être catastrophique. Contactés par l’Ugtt après la révolution, ils ont pu constituer une représentation syndicale et déclarer la grève à leur patron demandant une augmentation salariale de 100 dinars par mois et la réduction des heures du travail. Après d’interminables discussions le patron a finalement accepté d’accorder une augmentation de 65 dinars, mais pour palier cette charge salariale supplémentaire, il a dû licencier la moitié de l’effectif et a exigé des conducteurs restants de travailler à raison de 12 heures par jour au lieu des 9 heures. Le bilan, en fin de compte, est loin d’être à l’avantage des employés, d’autant que 25 conducteurs se sont ajoutés à la liste des demandeurs d’emploi.
Les chômeurs ne cotisent pas au syndicat
L’Ugtt peut se féliciter de cette action syndicale qui a permis à quelques employés de recevoir plus d’argent à la fin du mois mais elle a aussi contribué à augmenter le nombre des chômeurs dans un pays qui n’a que ses ressources humaines pour accroitre son économie. La centrale syndicale ne semble pas s’inquiéter outre mesure de l’accroissement du nombre des demandeurs d’emploi, qui dépasse aujourd’hui 700.000. Ce n’est pas son champ d’intérêt. Elle se préoccupe plus de ceux qui travaillent et qui cotisent pour être syndiqués. Les chômeurs, c’est l’affaire de l’Etat, et du ministère de l’Emploi. Ils n’entrent pas dans les prérogatives de la centrale ouvrière qui ne cesse d’affirmer d’être une partie intégrale de la société civile.