Le Conseil de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution a opté, à l’unanimité, pour le régime de la représentation proportionnelle avec les plus grands restes, pour l’élection de l’assemblée nationale constituante.


Elue pour la deuxième fois dans l’histoire de la Tunisie, la première en 1956, la constituante a pour principale mission l’élaboration de la nouvelle constitution du pays, après une révolution qui a bouté dehors un dictateur mafieux et mis à terre son régime.

Une meilleure représentation de toutes les catégories sociales
Le scrutin proportionnel est un système plurinominal qui prévoit le vote sur des listes électorales (listes des partis ou indépendantes) et permet d’attribuer à chaque liste des sièges selon le pourcentage de voix obtenues dans les élections.
Farhat Horchani, président de la Sous-commission des élections issue de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, et Chafik Sarssar, membre de cette instance ont imputé le choix de ce régime à plusieurs raisons.
Primo, les élections du 24 juillet sont des élections constituantes et historiques, ce qui exige que toutes les catégories sociales soient représentées au sein de cette assemblée, le but étant de leur permettre de contribuer à l’élaboration des orientations générales et à la définition des choix fondamentaux de la nouvelle constitution.
Deuxio, il est impérieusement nécessaire que les partis politiques soient représentés au sein de l’assemblée constituante, dès lors qu’il ne peut y avoir de véritable exercice démocratique sans la participation des partis politiques. Depuis l’indépendance, la scène politique tunisienne n’a connu, ni adopté que le régime du parti unique, ce qui a justifié l’absence de toute activité de partis qui encadre l’action politique, enracine la culture politique et consacre l’idée de l’alternance pacifique au pouvoir comme il est le cas dans les pays avancés.
Tertio, ce régime, tout en servant essentiellement l’intérêt des partis, donne aussi leur chance aux indépendants de participer aux élections. Ainsi, ces derniers ont la possibilité de constituer des listes et de participer aux élections.
Quatro : ce régime encourage la représentativité des jeunes et des femmes au sein de l’assemblée constituante et leur donne une chance de jouer un rôle important dans l’élaboration de la constitution du pays tout autant que dans la protection et la préservation des acquis de la femme.

La représentativité au détriment de l’équité et de l’efficacité
Selon un expert juridique, ce régime a aussi des inconvénients. Car tout en permettant la représentativité de toutes les catégories sociales au sein de la constituante, il fait prévaloir la représentativité au détriment de l’équité et de l’efficacité. Il favorise également l’émergence d’une mosaïque politique à l’intérieur de l’assemblée élue composée de petits partis et des indépendants et ne sert pas nécessairement l’intérêt des grands partis.
Les deux juristes de la Haute instance affirment que la représentation proportionnelle, avec la prise en compte des restes les plus importants, exige des règles simples qui ont été amendées en vue de renforcer la représentation de la région.
Première règle: le nombre de circonscriptions électorales doit être préalablement défini. Le projet de décret-loi électoral a choisi un découpage facile à appliquer. Dans ce sens, les gouvernorats sont considérés comme des circonscriptions et, par conséquent, chaque gouvernorat est une circonscription, à l’exception des grands gouvernorats – par le nombre de la population –, en l’occurrence Tunis, Sfax et Nabeul, qui sont subdivisés en deux circonscriptions chacune, et ce dans le cadre de la concrétisation de l’équité démographique.
Par la suite, il faut déterminer le nombre de sièges pour chaque circonscription. Le projet de décret-loi électoral les a répartis sur la base d’un représentant pour 60.000 habitants (nombre d’habitants et non d’électeurs, soit tous les Tunisiens). A titre d’exemple, un gouvernorat qui compte 257.000 habitants voit ce nombre divisé par 60.000 habitants, ce qui donne quatre sièges. Cette règle a été amendée afin de prendre en considération les régions intérieures du pays auxquelles des sièges supplémentaires sont accordés.

Le calcul du quotient électoral
Dans une troisième étape, il est nécessaire de fixer le nombre des voix nécessaires déclarées – il faut donc déduire le nombre des voix non déclarées, notamment les bulletins nuls – pour l’obtention d’un seul siège, au niveau de la circonscription électorale. Cette opération, dénommée le quotient électoral se déroule sur la base de la division du nombre des voix déclarées par celui des sièges.
Sur la base du même exemple, si le nombre des voix ayant participé au scrutin est de 180.000, sachant qu’il y a quatre sièges pour cette circonscription, cela conduit à l’opération suivante: 180.000 à diviser par quatre, ce qui donne un siège pour 45.000 voix. Ainsi chaque liste reçoit un nombre de sièges égal au nombre de fois où elle recueille 45.000 voix, soit le quotient électoral.
Si une liste recueille, par exemple, 65.000 voix, elle gagne un siège et il lui reste 20.000 voix.
- une liste B recueille 40.000 voix et, par conséquent, elle ne dispose d’aucun siège;
- une liste C obtient 22.000 voix. Elle aura zéro siège et il lui reste 22.000 voix;
- une liste D dispose de 21.000 voix. Par conséquent, elle n’a pas de siège et il reste 21.000 voix;
- une liste F récolte 20.500 voix. Elle n’obtient pas préalablement de siège et il lui reste 20.500 voix.   
Par conséquent, la liste A obtient un siège, et il reste trois sièges à pourvoir, parce que les autres listes n’ont pas atteint le plafond de 45.000 voix qui est le quotient électoral. Dans ce cas, on a recours aux restes les plus importants, avec le classement dégressif et chaque liste qui a le plus grand nombre de voix obtient un siège, jusqu’à l’achèvement de la répartition.
Ainsi et selon notre exemple, les résultats seront comme suit :
- la liste A obtient 1 siège, conformément au quotient électoral;
- la liste B obtient 1 siège partant du principe du reste le plus important;
- la liste C obtient 1 siège sur la base du deuxième reste le plus important;
- la la liste D obtient 1 siège, avec le troisième reste le plus important;
- la liste F n’obtient aucun siège.
Du côté de la représentativité, cette méthode se caractérise, en définitive, par une large représentativité parce qu'elle permet la représentation proportionnelle de nombreuses listes des partis ou de listes indépendantes. En parallèle, elle est moins équitable, avec la liste A qui n’obtient qu’un siège bien qu’elle ait obtenu 65.000 voix, soit trois fois le nombre de voix obtenues par la liste D qui gagne aussi un siège. Mais on peut expliquer cela par la nécessité d’une représentation de toutes les catégories, dans une étape historique cruciale, de l’histoire du pays.

Source : Tap.