Avant de se rendre samedi à Sfax pour son premier meeting, Mohamed Sahbi Basly, secrétaire général du parti L’Avenir, a rencontré la presse. Ni de gauche ni de droite. Ce libéral se positionne au centre.


L’Avenir figure parmi les premiers des 64 partis autorisés ces trois derniers mois, mais il a mis quelque temps pour annoncer son programme. Libéral, plutôt centriste, ses crédos sont le développement régional, la création d’emplois pour lutter contre le chômage à l’intérieur du pays, la défense des acquis des femmes, la liberté de culte et la bonne gouvernance dans tous les domaines. Un programme qui, dans ses grandes lignes, ne diffère guère de ceux des autres partis.

Indépendance des médias et de la magistrature
Sur son calendrier de la semaine, L’Avenir a prévu des meetings dans les régions du sud et du centre du pays. Les rendez-vous au Grand Tunis seront dans les semaines à venir.
Deux petites heures donc après avoir terminé la conférence, le bureau exécutif a pris la route vers Sfax. Il s’agit d’un premier contact avec le public. Pourquoi Sfax comme première destination? Dr Basly y a beaucoup d’amis, qui croient en lui. «J’ai été gouverneur dans cette grande ville et à l’époque, j’ai fait de mon mieux pour le développement de toute cette région. Je sais qu’il y a des gens qui peuvent compter sur moi et qui vont me soutenir pendant la campagne. Ces gens-là savent aussi que je ne les décevrai pas», a confié l’ancien gouverneur à Kapitalis.
Pour revenir à la conférence de presse, organisée à Villa Didon. L’hôtel de Carthage a été prêté, le temps de la rencontre, par son propriétaire, l’homme d’affaires Mongi Loukil, en guise de soutien. Dans son allocution, Dr Basly a mis l’accent sur l’énorme travail à faire pour construire la démocratie. Car, selon lui, la Tunisie n’a jamais eu de véritables institutions démocratiques ni dans la justice, ni dans la liberté, ni encore dans l’égalité des chances dans les régions… «La révolution tunisienne constitue une aventure et c’est nouveau chez nous. Il faut tout reprendre, tout reconstruire», souligne-t-il. La magistrature, tout comme l’information, doit être indépendante. «Sans l’indépendance totale de ces deux institutions, il n’y aura jamais de transition démocratique dans le pays», a-t-il insisté.

La révolution entre le meilleur et le pire
Durant la conférence, le mot révolution a été répété plus d’une dizaine de fois. Le terme est très fort, mais aussi très complexe. Car selon le secrétaire général de L’Avenir, la révolution consiste aussi à aller de l’avant, sinon le pire n’est jamais à écarter et la révolution pourrait tourner au vinaigre voire se transformer en tsunami.

«La démocratie doit se faire aussi de l’intérieur des pays et non de l’extérieur. Comme on vient de voir, il n’y a que la rue qui est capable de faire tout tomber. Mais faisons gaffe! Pour réussir la révolution, nous n’avons pas droit à la faute. Prudence est mère de sûreté!», a-t-il  souligné. Le leader de L’Avenir a tenu un discours simple, avec des mots sages, inspirés du réel, tirant aussi des leçons du passé, un passé qui était, selon lui, miné de l’intérieur.

«La Tunisie est aujourd’hui un laboratoire politique. Nos jeunes ont fait la révolution et réveillé les autres peuples arabes»,  a expliqué Dr Basly. «Ce sont eux qui ont donné aux millions de citoyens arabes le déclic pour se libérer. Ils leur ont montré qu’il est possible dans les pays les plus opprimés par la dictature de se révolter et d’avoir gain de cause. Si ces  révolutions réussissent et si la démocratie s’installe, la région va constituer une véritable force. Elle sera comme la Chine, avec un poids économique dans le monde. Mais si la révolution tunisienne, qui est la première dans la région, échoue, alors toutes les révolutions arabes échoueraient», a ajouté l’ancien ambassadeur de Tunisie en Chine. Qui voit dans l’expérience chinoise la meilleure voie pour booster l’économie et s’imposer dans le monde. Intégrer le marché mondial demeure, selon lui, la meilleure option pour développer l’économie. Et pas seulement !

L’ouverture sur le monde économique
«En même pas un quart de siècle, la Chine a misé sur la force du travail, sur le marché extérieur et la voilà constituer aujourd’hui un pouvoir économique indétrônable. En s’ouvrant sur l’extérieur, la Chine a réussi. Pourquoi la région arabe n’y réussirait-t-elle pas aussi?», s’est-il demandé.
M. Basly a mis l’accent aussi sur la force de la main-d’œuvre, sur l’ouverture du marché local sur les marchés régional et mondial. Pour lui, l’économie est à la base de tout. Lorsqu’elle est saine, c’est toute la société qui se portera bien. «Les investissements doivent s’étendre sur tout le pays.
«Le développement régional, négligé depuis toujours, doit être une priorité. Nos régions regorgent de richesses et il faut en profiter», a-t-il insisté. Pour lui, une région regroupe plusieurs gouvernorats. «Un gouvernorat veut dire une administration, une politique. Mais une région, c’est tout un pôle de développement», a-t-il expliqué. Et d’ajouter qu’«un gouverneur, ambassadeur ou autre haut responsable doit représenter le peuple et non un parti.» «Auparavant, il y a eu ceux qui ont choisi de servir un parti, d’autres le pays. Mais l’heure est pour la construction des entités démocratiques qui resteront, quant aux hommes, ils partiront», a dit Dr Basly.

Sans la culture, tout s’écroule      
La culture est la base du socle social. Elle incarne l’identité du pays. Elle a été affectée des années durant, mise en marge de tout programme collectif. Elle était au service du pouvoir. Cela doit être corrigé, car la culture doit aujourd’hui servir la société.
Le secrétaire général de L’Avenir n’a pas omis de dire ce qu’il pense des syndicats et de leur rôle pour maintenir la paix sociale dans le pays. «Les syndicats ont aussi une obligation, c’est de participer au développement et non seulement continuer de protester et de faire pression sur le gouvernement alors que la situation est fragile», a déclaré le médecin de service public converti à la politique.
«Je dois dire aussi que la religion c’est la religion et on ne doit pas mélanger foi et Etat. Sinon, il y a danger», a tenu aussi à souligner Dr Basly, en faisant allusion aux mouvements islamistes qui cherchent à exploiter le sentiment religieux à des fins politiques.
L’autre pique, M. Basly l’a réservée aux membres de la Haute commission pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique. «Le peuple n’a rien confié à ces gens-là qui veulent parler en son nom. De quel droit! Après tout, ils ne sont pas dans un parlement élu et leur durée de vie est limitée. Qu’ils n’oublient pas que nous sommes dans une période de transition et que le pays passe par une période économique très difficile», a-t-il expliqué. Le fait que la Haute Commission n’ait fait appel à aucun membre de son jeune parti n’est peut-être pas étranger à ces griefs.
L’Avenir va-t-il constituer des listes propres pour l’élection de l’assemblée constituante, le 24 juillet?
M. Basly admet que son parti est encore à ses débuts et qu’il n’est pas en mesure de se jeter seul dans la bataille. «Au moment voulu, nous nous allierons avec le front de la démocratie».

Z. A.