«Un pays qui compte de nombreux partis, c’est bien! Mais à condition que tous ces partis se serrent les coudes et s’orientent dans la direction qui conduira le pays au développement»…


C’est ce qu’a affirmé Poul Nyrup Rasmussen, président du Parti socialiste européen (Pse), lors de la cérémonie de clôture du séminaire sur le thème: «Révolutions arabes, l’heure de la démocratie et du progrès», organisé par le Forum démocratique pour le travail et les libertés (Fdtl), les 28 et 29 avril à Tunis.
Il y a seulement quatre mois, un forum pareil n’aurait jamais pu être organisé en Tunisie. Car, les orientations du Fdtl déplaisaient à l’ex-président voire le dérangeaient et constituaient une grave menace pour son système. C’est donc la première fois que le Fdtl organise, en collaboration avec l’organisation Euromed, une rencontre de cette envergue en Tunisie.

L’union des politiques fait la force de la démocratie
Si dans son mot de clôture du forum, M. Rasmussen a tenu un discours ferme, c’est parce que la Tunisie est aujourd’hui à la croisée des chemins. Selon lui, derrière la révolution tunisienne, qui a déclenché les soulèvements dans le reste de la région, il y a des idées phares et des hommes libres et responsables. Si ces idées ne sont pas mises en pratique et si ces hommes ne sont pas unis, la greffe de la démocratie aura du mal à prendre en Tunisie et, par conséquent, dans les autres pays arabes.


MM. Rasmussen et Ben Jaâfar.

Le président du Pse a constaté que le terrain est encore miné de l’intérieur et qu’il faut faire le ménage prudemment dans la scène politique avant de l’assainir complètement et de passer par la suite à la démocratie.
Selon lui, le pays est dans un enfer pavé de bonnes intentions, l’espoir est donc  permis. «Un pays qui compte plusieurs partis, c’est bien! Mais à condition que tous se serrent les coudes et s’orientent dans la direction qui conduira le pays au développement. Le progrès, ne se fera pas en l’absence de la démocratie. Et sans cette union des uns et des autres, elle pourrait ne pas aboutir», a-t-il prévenu, en s’adressant à un parterre d’intellectuels et de représentants de partis, en tout 70 personnalités politiques arabes et euro-méditerranéennes.

Un climat de confiance et de… prudence
Avant de s’attarder sur les conditions du passage de la révolution à la démocratie dans les pays arabes, le président du Pse n’a pas omis de rendre hommage au secrétaire général du Fdtl. «La direction et la vision montrées par Mustapha Ben Jâafar dans ces moments tumultueux me rendent fier de considérer le Fdtl comme associé du Pse. Nous ne pouvons qu’être confiants. En ce moment historique, notre conférence va contribuer à implanter les fondements de la démocratie en Tunisie. Et si celle-ci réussit, elle s’implantera tout naturellement dans l’ensemble de la région», a-t-il indiqué.
Dr Ben Jâafar, pour sa part, a mis l’index sur ce qui a poussé les peuples à se révolter. Pour lui, les révolutions arabes ne sont pas des émeutes de pain, mais des soulèvements pour la liberté et pour la dignité. «Les peuples de la région ont en a marre de leurs dirigeants et il était temps de manifester leur désir d’adhérer aux valeurs universelles et de s’inscrire dans une dynamique de liberté et de démocratie», a-t-il dit. Et d’ajouter que des millions de personnes, au nord et au sud, veulent biffer les frontières, instaurer des dialogues de cultures et des civilisations entre les peuples. «Ces peuples refusent d’être isolés ou marginalisés. Ils ont besoin de se développer sur des bases solides. Il est donc temps de remettre les aiguilles à l’heure et de reconstruire un vrai dialogue d’égal-à-égal avec l’Occident», a-t-il expliqué.
M. Ben Jaâfar a indiqué qu’après avoir écouté les interventions des uns et des autres, il est devenu plus optimiste, même si les hommes politiques doivent aujourd’hui marcher sur des œufs. «Les participants des divers courants politiques, ici présents, ont fait savoir qu’ils sont prêts à coopérer et il n’y a pas mieux que la coopération», a dit aussi le secrétaire général du Fdtl. Pour lui, ce message est fort et il souhaite que ce soit un bon début. «Le moment est venu pour que les uns et les autres s’entendent sur un programme basé sur la liberté et le respect mutuel», a encore indiqué M. Ben Jaâfar. Et d’enchaîner: «Il est vrai que, pour le moment, la Tunisie et ses voisins arabes sont fragilisés. Pour ce qui est de la Tunisie, il y a encore des forces qui ont déclenché la révolution et d’autres qui tirent vers le bas.» Tout en soulignant, en passant, que plusieurs responsables et chefs d’Etat de l’Occident, qui sont des démocrates, ont malheureusement soutenu les dictatures, le chef du Fdtl a indiqué que «la transition vers la démocratie va prendre des années» et que la Tunisie et les pays arabes ont besoin «d’un coup de pouce de nos amis pour tourner définitivement la page sombre de notre histoire».

L’édifice de la transition a besoin d’un bon partenariat
Aussi M. Ben Jâafar a-t-il appelé ses amis européens à plus de coopération dans l’immédiat. Car, selon lui, «il y a des difficultés, mais la Tunisie a encore son ciel bleu et limpide.» Et de lancer à ses hôtes européens: «Il faut seulement que nous résistions un petit peu et que vous nous aidiez à résister pour nous en sortir». Tout en précisant: «La Tunisie n’a pas besoin de charité, mais de coopération».


M. Rasmussen.

Le leader du Fdtl a rappelé que la révolution tunisienne a déclenché un vent de liberté dans les Etats de la région et que ces Etats, qui sont en train de mettre les premières pierres à leur édifice démocratique, sont capables de rattraper rapidement la caravane du développement. Il inutile de faire rapidement un saut pour accéder à la démocratie, a tenu, à prévenir Dr Ben Jâafar. Avant d’expliquer: «Pour éviter le risque de trébucher, nous avons besoin de monter les marches prudemment. Nous avons besoin aussi d’un autre discours avec nos partenaires. Nous voulons un autre style, pas de hiérarchie, mais une relation d’égal à égal». «Construire la démocratie c’est aussi édifier une société progressiste, juste et équitable», a-t-il aussi souligné. «Nous attendons des mesures urgentes pour sauvegarder les droits des Tunisiens. Il est aussi impératif de renforcer l’investissement dans les régions les plus reculées et à taux très élevé de chômage. Nous voulons la stabilité, nous ne tolérons pas la violence. Il y a ceux qui parlent aujourd’hui d’un plan Marshall pour la Tunisie, moi, je plaide pour un plan de la dignité», a renchéri le secrétaire général du Fdtl.
Au terme du forum, M. Rasmussen a annoncé un new deal: un second rendez-vous sera au printemps prochain. «Nous allons démarrer le processus de notre partenariat. Nous avons déjà commencé à mobiliser nos cellules en Europe pour un travail de coopération», a promis le secrétaire général du Fdtl.

Zohra Abid