Alors que le ministre des Affaires sociales du gouvernement transitoire était en train de donner, jeudi, une conférence de presse, un sit-in faisait du bruit au pied du siège de son ministère à l’avenue Bab Benat, à Tunis.


Ambiance lourde. Portes cadenassées. Foule revendiquant sans compter des droits; et chacun tirant le drap de son côté. Un retard de plus d’une demi-heure de Mohamed Ennaceur, ministre des Affaires sociales par intérim, pris par une suite de rendez-vous, le jour même. Et un parterre de journalistes qui ne se contentent pas de poser une ou deux questions, mais demandent un tas d’éclaircissements sur la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss), la mendicité dans les rues, les hausses salariales, le pouvoir d’achat, les associations, les handicapés…

Par où commencer?
Le gouvernement en place depuis 100 jours semble être débordé par une situation, que le ministre lui-même juge «dramatique». N’empêche que M. Ennaceur, qui tente d’être à l’écoute des milliers de cas, essaie de proposer des calmants, en attendant le prochain gouvernement, qui sera élu dans moins de trois mois, mettre en route des remèdes durables.


Sit-in devant le siège du ministère

M. Ennaceur fait ce qu’il peut pour remettre de l’ordre dans les maisons qui dépendent de son ministère. En rencontrant les médias, il a voulu annoncer une série de mesures sociales et calmer un peu les esprits.
Le ministre a commencé par rendre hommage à son staff et à Houcine Abaâb, expert en la matière, installé en France depuis fort longtemps, qui a pris congé et répondu à l’appel de la patrie, louant ses services pour 6 mois, et volontairement.
«La révolution a dévoilé la vérité amère que vit notre société. Rien ne correspond aux chiffres avancés ni aux discours prononcés ni encore aux rapports publiés. La situation exige une réforme radicale et, à mon avis, il faut un débat national», a déclaré M. Ennaceur.
Si le ministre a mis de l’avant cet état des lieux, c’est que les choses ne vont pas vraiment bien. Alors qu’«un gouvernement de transition ne peut apporter les soins qu’il faut à une société très affectée». Le ministre a voulu dire que le prochain gouvernement doit tout effacer et reprendre à zéro. N’attendons donc pas de notre ministre une potion magique. Mais quelques solutions d’urgence.

En attendant des jours meilleurs  
Que propose M. Ennaceur? «Nos concitoyens, qui sont très frustrés, ont retrouvé subitement la liberté. Leur colère s’est manifestée sous plusieurs formes. Il y a colère, anarchie, rejet de l’exclusion, rejet même de l’attente. Leurs revendications sont légitimes. Ils demandent une vie digne. Ils réclament leur part de la richesse nationale. Ils veulent participer à la vie publique. C’est leur droit de citoyenneté et ils ont parfaitement raison de l’exiger», a-t-il admis. Mais d’un autre côté, le ministre trouve que c’est dur de gérer toutes ces revendications en même temps. Le pays sort d’une révolution et les grèves ne font qu’aggraver la situation. Le changement de régime n’est donc qu’une pierre qui roule et n’amasse pas mousse

Mohamed Ennaceur et Houcine Abaâb

«Ça ne travaille pas le pays. Toutes ces grèves non autorisées ne font que tirer le pays vers l’anarchie. Il y a danger! Les investisseurs refusent d’investir et de collaborer et ceci envenime davantage la situation économique et bien évidemment sociale et politique», prévient M. Ennaceur. Et d’ajouter que les débordements ne servent pas l’avenir des Tunisiens qui ont trop enduré et trop attendu.
Le ministre sait qu’il a le devoir au moins de réconforter les uns et les autres. La rue fait pression et il n’a qu’à se dépêcher pour démontrer la bonne foi de son gouvernement. Pour réduire la pauvreté et augmenter le pouvoir d’achat, il faut commencer par généraliser les pensions des familles pauvres. Chose faite!

Nécessité fait loi
«Les aides toucheront dorénavant 185.000 familles au lieu des135.000. Ces familles bénéficieront de 210 dinars par trimestre, sans compter la prime de 10 dinars par enfant. Nous avons supprimé le régime de la sous-traitance des 31.000 personnes travaillant dans toutes les institutions. Les milliers d’éboueurs seront tous des fonctionnaires municipaux… Et le Smig sera révisé chaque année», a-t-il annoncé. Il a promis de faire tout son possible pour faciliter la tâche du prochain ministre auquel il espère léguer un climat serein.
Le pays est sur le gravier, comment faire? «Nous comptons sur les crédits de la Banque mondiale (BM), de la Banque africaine de développement (Bad), de l’aide des pays voisins et amis en plus de ce qu’on a dans nos caisses. Notre rôle ne se limite pas à garantir une pension, mais nous voulons financer des micros, petites et moyennes entreprises», a précisé le ministre.
M. Ennaceur a admis qu’il lui reste beaucoup de travail à faire avec le syndicat, les inspecteurs de travail, les handicapés, les Tunisiens à l’étranger… Il doit aussi parer au plus urgent pour faire face à la situation née de la guerre civile en Libye, du retour massif et non prévu de plus de 30.000 Tunisiens qu’il faut aujourd’hui insérer dans leur société d’origine, des 220.000 réfugiés sur le territoire qui ont fui la guerre et qui ont besoin d’être soignés, nourris et blanchis. «Il y a des enfants à scolariser, poursuit-il, et je ne peux que saluer le peuple tunisien qui s’est montré d’une rare générosité», a dit Ennaceur.
Une manière de demander des Tunisiens de l’indulgence et de la patience. Tout ne peut pas se faire tout de suite. Il y a des priorités et des urgences et la marge de manœuvre du gouvernement provisoire est réduite.

Zohra Abid