Les forces de l’ordre ont dispersé vendredi, de manière musclée, quelque 200 manifestants sur l’avenue Habib Bourguiba, dans le centre-ville de Tunis. Une quinzaine de journalistes ont également été agressés.


Les manifestants qui criaient «dégage !» en direction du gouvernement provisoire, accusé de continuer à travailler pour le président déchu Ben Ali, et réclamaient «une nouvelle révolution», ont été empêchés d’approcher le ministère de l’Intérieur.

Gaz lacrymogène, matraques et cagoules
Les policiers, dont la plupart portaient des cagoules, ont tiré des gaz lacrymogènes. Certains étaient à bord de motos. D’autres tenaient des chiens. Les manifestants, majoritairement des jeunes, et les piétons ont couru pour se mettre à l’abri alors que les magasins fermaient leurs rideaux. Des témoins oculaires ont vu des policiers charger lourdement et frapper à coups de matraques des manifestants tombés par terre.
Plusieurs confrères, notamment les photographes Fathi Belaid (Afp) et Mohamed El-Hammi (Agence Epa) ont été violentés. «J’ai été agressé par 4 policiers dans l’escalier du journal ‘‘La Presse’’. Ils m’ont pris 2 appareils photo et un ordinateur portable et m’ont frappé sur la tête avec des barres de fer», a raconté Fathi Belaïd à l’Afp. «Ils m’ont violemment tabassé et m’ont confisqué mon appareil photo. Ce sont des policiers en civil qui m’ont confisqué mon matériel. Je ne peux plus bouger mon dos tellement j’ai mal», a raconté, pour sa part, Mohamed El Hammi, cité par la même agence.
Hier, un autre photographe de l’agence américaine Associated Press (AP), Hassan Dridi, avait reçu des coups de poing et de pied alors qu’il était à terre après avoir tenté de prendre des photos de la dispersion d’une manifestation.

Le Syndicat des journalistes monte au créneau
En tout, quinze journalistes travaillant pour des médias internationaux et tunisiens ont été frappés par les forces de l’ordre lors la couverture de manifestations jeudi et vendredi à Tunis, a déclaré le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt).
«Des dizaines de policiers en uniforme et en civil ont frappé d’une manière cruelle des journalistes bien qu’ils savaient qu’ils étaient journalistes et ils ont cassé des appareils photos et poursuivi des journalistes jusqu’à l’entrée du journal ‘‘La Presse’’, écrit le Snjt dans un communiqué cité par l’Afp.
Outre Fathi Belaïd, Mohamed Ali Hammi et Hassan Dridi, déjà cités, les autres journalistes agressés par les forces de l’ordre sont, selon le Snjt, Marwa Rkik de Radio Kalima, Hamza Aouini de l’agence de presse TV, et trois journalistes de la chaîne qatarie Al-Jazira (Lotfi Hajji, Mohamed Amin Ben Nejma et Anass Ben Salah). Le syndicat cite aussi les noms de Chaffya Ibrahim du journal arabophone ‘‘Echourouk’’, Zoubeir Essouissi de l’agence britannique Reuters, Houssem Hamed de la radio privée tunisienne Chems FM, Nizar Elhajbi du journal ‘‘La Presse’’, Ahmed Elfouli et Monia Abdallah de la chaine Hannibal TV et Massoud Kawach du journal arabophone ‘‘Essahafa’’.
Le Snjt, qui qualifie ces violences de «crime contre la liberté de la presse», dénonce «les pratiques oppressives des agents de police à l’encontre des journalistes». Ces violences ont pour but de «verrouiller les médias et de priver l’opinion publique des réalités» en Tunisie, ajoute le Snjt, qui met en garde contre les menaces «de faire retourner le pays sous l’oppression» qu’il a connu sous l’ancien régime du président déchu Ben Ali.
Le Snjt estime, par ailleurs, que le gouvernement provisoire est «entièrement responsable de la protection des journalistes» et a le devoir de «leur fournir les conditions adéquates pour exercer leurs fonctions».

Le gouvernement a d’autres chats à fouetter
Interrogé, après la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, au Palais du gouvernement de la Kasbah, au sujet de l’intervention musclée de la police contre les citoyens et les journalistes, le porte-parole du gouvernement provisoire, Taïeb Baccouche, ancien syndicaliste et militant des droits de l’homme, a déclaré: «Je n’ai aucun commentaire à ce sujet».
Les violences policières de jeudi et vendredi ne concernent peut-être pas le gouvernement provisoire, qui a visiblement d’autres chats à fouetter.   
Les manifestations de jeudi et vendredi ont été provoquées par des déclarations de l’ancien ministre de l’Intérieur, Farhat Rajhi, qui a parlé d’un «gouvernement de l’ombre» et d’un «coup d’Etat militaire» qui serait en préparation en cas de victoire électorale des islamistes.
Ces déclarations ont été condamnées par le gouvernement transitoire qui a dénoncé «une atteinte à l'ordre publique», ainsi que par l’armée nationale.

Source: Agences.