Le neveu de Wassila Bourguiba, seconde épouse de l’ex-président, menace d’intenter un procès pour diffamation à celui qui a été emprisonné par Bourguiba pendant 11 ans, entre 1968 et 1979.
La menace du producteur de cinéma Tarak Ben Ammar fait suite à une interview du militant de gauche et co-fondateur du groupe Perspectives Tunisiennes, réalisée le 30 mars dernier et dont la vidéo a été postée sur Facebook, où Gilbert Naccache décrit Tarak Ben Ammar sous des traits peu amènes.
Les «gens de l’ombre»
Parmi les «gens de l’ombre», membres du Rcd, ex-parti au pouvoir, qui veulent confisquer la révolution tunisienne ou cherchent à jouer encore un rôle politique dans l’après-Ben Ali, des «gens qui représentaient à la fois la partie la plus pourrie du Rcd mais pas la partie complètement mafieuse», et «qui avaient des intérêts avec les Français», M. Naccache cite, dans son entretien sur Facebook, le banquier «Hakim Karoui et ses acolytes». Il nomme ensuite l’un des représentants de «la bourgeoisie tunisoise», Tarak Ben Ammar en l’occurrence, qui, pour reprendre pied sur la scène politique tunisienne, serait, selon ses termes, «prêt à tout financer».
«Si tu veux créer un parti, vas le voir, il te donnera tout l’argent que tu voudras. Il est prêt à tout financer. Il nous a même fait des avances», raconte M. Naccache. Il ajoute d’autres détails: «La personne qui a été contactée [par Ben Ammar, ndlr] lui a expliqué que nous, dans notre association, on voudrait qu’avec les gens qui participent à financer, que ce soit Tarak Ben Ammar ou un autre, on discute d’abord des engagements». Mais tout en affirmant que M. Ben Ammar n’a rien demandé en contrepartie de son soutien financier et qu’aucun compromis n’a été envisagé entre les deux parties, M. Naccache justifie son refus de l’aide financière du producteur de cinéma par son souci de ne rien lui devoir. Car, explique-t-il, «quand tu as accepté de l’argent de quelqu’un, même si tu n’es pas obligé, tu es beaucoup plus gêné après.»
Gros souliers contre mocassins
S’agissant, en l’occurrence, de Tarak Ben Ammar, M. Naccache ajoute: «Je ne prendrai pas une position politique en Tunisie sans que je le dénonce comme un corrompu.» (sic!) Et d’ajouter, sans prendre de gants: «En tout cas, il était l’un des agents de la corruption du temps de Bourguiba. Ça, je ne lui laisserai pas faire. Il a utilisé la puissance de sa tante et de l’Etat pour gagner de l’argent et se faire un empire. Donc, si demain c’est lui qui finance, et même si moi je veux le dénoncer, on va me dire: ‘‘Ne déconne pas, on a besoin de lui, c’est un copain, il nous donne de l’argent, on doit le ménager’’. Non, je ne ménage personne. Cette révolution est une révolution de gens qui ont de gros souliers et qui marchent dans la boue. Et non de gens qui ont des mocassins.»
Dans sa réponse aux «propos diffamatoires de Gilbert Naccache», Tarak Ben Ammar affirme sur sa page Facebook avoir pris connaissance «avec stupeur» des accusations de M. Naccache à son encontre. Et il est catégorique: «Je ne connais pas cet homme, je ne l’ai jamais rencontré, ni ‘‘approché’’ comme il dit, encore moins ‘‘proposé de financer son mouvement politique’’. Je n’ai jamais entendu parler de son mouvement. Je ne connais ni ses amis, ni ses théories, ni ses idées, ni son parti, ni sa personne. Je ne sais rien de lui. Je ne lui ai jamais parlé de ma vie. Il m’est parfaitement inconnu. Je ne l’ai vu et entendu pour la première fois de mon existence que dans la vidéo postée sur Facebook».
Même si on peut s’étonner du fait que M. Ben Ammar avoue ne pas connaître Gilbert Naccache, une icône de la scène politique contemporaine de la Tunisie – à chacun sa culture et ses centres d’intérêt, ceux de M. Ben Ammar, comme il le précise lui-même, sont les médias et le cinéma –, on peut cependant concéder au neveu de Wassila Bourguiba qu’il n’a pas besoin du «secours de Gilbert Naccache» pour se «lancer dans la politique». Car, comme il le dit lui-même: «Tant qu’à financer un parti, j’en aurais simplement créé un moi-même, au moins aurais-je eu l’assurance de ne pas végéter à l’état de groupuscule.»
Une unique vocation: les médias et le cinéma
Il y a certes eu une page Facebook mise en ligne le 21 janvier, soit une semaine après la chute de Ben Ali, par un certain Renaud Duaner, et qui annonçait clairement «Pour ceux qui aiment avoir ‘‘Tarek Ben Ammar’’ comme Président». Mais cela, bien sûr, n’engage en rien l’intéressé qui affirme n’avoir aucune ambition politique. Et nous n’avons aucune raison pour ne pas le croire.
«J’ai déjà déclaré publiquement et officiellement, sur la radio Europe 1 et sur YouTube, que, étant associé à une chaîne de télévision, je considérais que cela était incompatible avec une quelconque charge ou candidature politique», souligne M. Ben Ammar. Il ajoute: «Et dans tous les cas, je n’ai jamais envisagé aucun projet de financement de parti politique, de quelque importance qu’il soit. Je répète donc qu’en ce qui me concerne, je n’ai toujours eu qu’une seule et unique vocation, depuis mon jeune âge, les médias et le cinéma.»
L’ami de M. Ben Ammar, et son co-actionnaire à Nessma TV, Silvio Berlusconi, n'est pas du même avis. Ayant les mêmes vocations, les médias et le cinéma, cela ne l’a pas empêché d’utiliser son empire médiatique et télévisuel pour se lancer en politique et prendre la tête de l’Etat italien. Ce n’est visiblement pas un exemple à suivre pour le Tuniso-français. Et cela M. Naccache a visiblement du mal à l'admettre. L’auteur de ‘‘Cristal’’, un monument de la littérature carcérale tunisienne, qui aurait bien pu être porté à l'écran par M. Ben Ammar, ne porte malheureusement pas ce dernier dans son cœur, et c’est son droit, mais de là à lui attribuer des ambitions qu’il n’a pas, et encore moins de le traiter de «corrompu», il y a un pas qu'il aurait pu éviter de faire. Et comme on devait s’y attendre, les déclarations de M. Naccache n’ont pas manqué d’énerver M. Ben Ammar, qui s’est vu «contraint» de l’assigner en justice «pour toutes les diffamations proférées dans sa vidéo».
Une affaire à suivre…
Imed Bahri
Tunisie. Le torchon brûle entre Tarak Ben Ammar et Gilbert Naccache
Le neveu de Wassila Bourguiba, seconde épouse de l’ex-président, menace d’intenter un procès pour diffamation à celui qui a été emprisonné par ce dernier pendant 11 ans, entre 1968 et 1979.
La menace du producteur de cinéma Tarak Ben Ammar fait suite à une interview du militant de gauche et co-fondateur du groupe Perspectives Tunisiennes, réalisée le 30 mars dernier et dont la vidéo a été postée sur Facebook http://www.youtube.com/watch?v=jMOey0_4VVk, où Gilbert Naccache décrit Tarak Ben Ammar sous des traits peu amènes.
Les «gens de l’ombre»
Parmi les «gens de l’ombre», ces membres du Rcd, ex-parti au pouvoir, qui veulent confisquer la révolution tunisienne ou cherchent à jouer encore un rôle politique dans l’après-Ben Ali, des «gens qui représentaient à la fois la partie la plus pourrie du Rcd mais pas la partie complètement mafieuse», et «qui avaient des intérêts avec les Français», M. Naccache a cité, dans son entretien sur Facebook, le banquier «Hakim Karoui et ses acolytes». Il a nommé ensuite l’un des représentants de «la bourgeoisie tunisoise», Tarak Ben Ammar en l’occurrence, qui, pour reprendre pied sur la scène politique tunisienne, serait, selon ses termes, «prêt à tout financer».
«Si tu veux créer un parti, vas le voir, il te donnera tout l’argent que tu voudras. Il est prêt à tout financer. Il nous a même fait des avances», a raconté M. Naccache. Il a ajouté d’autres détails: «La personne qui a été contactée [par Ben Ammar, ndlr] lui a expliqué que nous, dans notre association, on voulait qu’avec les gens qui participent à financer, que ce soit Tarak Ben Ammar ou un autre, on discute d’abord des engagements». Mais tout en expliquant que M. Ben Ammar n’a rien demandé en contrepartie et qu’aucun compromis n’a été envisagé, M. Naccache a justifié son soi-disant refus de l’aide financière du producteur de cinéma par son souci de ne rien lui devoir. Car, explique-t-il, «quand tu as accepté de l’argent de quelqu’un, même si tu n’es pas obligé, tu es beaucoup plus gêné après.»
Gros souliers contre mocassins
S’agissant, en l’occurrence, de Tarak ben Ammar, M. Naccache ajoute: «Je ne prendrai pas une position politique en Tunisie sans que je le dénonce comme un corrompu.» Et d’ajouter: «En tout cas, il était l’un des agents de la corruption du temps de Bourguiba. Ça, je ne lui laisserai pas faire. Il a utilisé la puissance de sa tante et de l’Etat pour gagner de l’argent et se faire un empire. Donc, si demain c’est lui qui finance, et même si moi je veux le dénoncer, on va me dire: ‘‘Ne déconne pas, on a besoin de lui, c’est un copain, il nous donne de l’argent, on doit le ménager’’. Non, je ne ménage personne. Cette révolution est une révolution de gens qui ont de gros souliers et qui marchent dans la boue. Et non de gens qui ont des mocassins.»
Dans sa réponse aux «propos diffamatoires de Gilbert Naccache», Tarak Ben Ammar affirme sur sa page Facebook avoir pris connaissance «avec stupeur» des accusations de M. Naccache à son encontre. Et il est catégorique: «Je ne connais pas cet homme, je ne l’ai jamais rencontré, ni ‘‘approché’’ comme il dit, encore moins ‘‘proposé de financer son mouvement politique’’. Je n’ai jamais entendu parler de son mouvement. Je ne connais ni ses amis, ni ses théories, ni ses idées, ni son parti, ni sa personne. Je ne sais rien de lui. Je ne lui ai jamais parlé de ma vie. Il m’est parfaitement inconnu. Je ne l’ai vu et entendu pour la première fois de mon existence que dans la vidéo postée sur Facebook».
Même si on peut s’étonner du fait que M. Ben Ammar avoue ne pas connaître Gilbert Naccache, qui est l’une des icônes de l’histoire contemporaine de la Tunisie – à chacun sa culture et ses centres d’intérêt, ceux de M. Ben Ammar, comme il le précise lui-même, sont les médias et le cinéma –, on peut concéder au neveu de Wassila Bourguiba qu’il n’a pas besoin du «secours de Gilbert Naccache» pour se «lancer dans la politique». Car, comme il le dit lui-même: «Tant qu’à financer un parti, j’en aurais simplement créé un moi-même, au moins aurais-je eu l’assurance de ne pas végéter à l’état de groupuscule.»