Lors d’un point de presse, mardi, à El Teatro, à Tunis, Hamma Hammami ne se contente pas de plaider non coupable. Il passe aussi à l’attaque, accusant les anciens du Rcd et leurs complices dans le gouvernement provisoire de semer les troubles dans le pays.
«Dans son interview diffusée dimanche sur les trois chaînes de la télévision nationale, le Premier ministre a, sans citer de nom, accusé notre parti d’être derrière les actes de pillage, de violence, d’incendie et autres agressions de la semaine dernière, et d’avoir même payé des délinquants pour commettre ces actes. Pire: M. Caïd Essebsi n’a pas dit toute la vérité et n’a pas convaincu le peuple», a lancé le porte-parole du Parti des ouvriers communistes tunisiens (Poct) à un parterre de journalistes et de militants d’extrême-gauche.
Un complot contre la révolution
Pourquoi le leader du Poct s’est-il senti si visé alors que son nom n’a été, à aucun moment, cité par M. Caïd Essebsi? Selon M. Hammami, son parti est le seul à avoir proposé le report des élections du 24 juillet. Et c’est un parti ayant proposé le report des élections que le Premier ministre a désigné du doigt.
A entendre le chef du Poct, M. Caïd Essebsi serait en train de mener le peuple en bateau et de l’induire en erreur. «Le Poct est structuré. Il existe depuis 25 ans et il a milité dans la clandestinité contre le régime de Ben Ali. Ce n’est pas maintenant qu’il va souiller son image. Les actes de pillage et de dégradation ne servent ni la révolution ni encore les révolutionnaires. Ce sont ceux qui sont sortis perdants de la révolution, c’est-à-dire les anciens du Rcd et les membres de la police politique, qui ont intérêt à faire échouer la transition démocratique. Ces gens là ont peur d’être poursuivis par la justice pour tous les crimes qu’ils ont commis», a expliqué M. Hammami. Les vrais coupables seraient donc, selon lui, toutes ces personnes qui refusent à tout prix le changement et qui sont prêts à tout pour que la révolution tourne au vinaigre. «Car, ni la sécurité, ni la démocratie ne servent leurs intérêts», a-t-il ajouté.
Un face-à-face Hammami - Caïd Essebsi?
M. Hammami enfonce le clou en soulignant la lenteur de la machine judiciaire dans l’instruction des procès des symboles du régime de Ben Ali. «Au lieu de viser ces gens-là, le Premier ministre, qui n’a pas pris les mesures nécessaires à leur encontre, cherche à détourner l’opinion publique. Et c’est là où il commet un faux pas et perd de sa crédibilité en tant que garant de la transition démocratique», explique le chef du Poct.
Tout en condamnant fermement les actes de violence, M. Hammami demande l’ouverture d’une enquête indépendante pour démasquer ceux qui sont derrière les perturbations des derniers jours. «La police a arrêté des jeunes. Et pour que ces derniers puissent se tirer d’affaire, ils ont avoué, sous la torture et le chantage, qu’ils étaient payés par notre parti. Cette histoire ne tient pas débout. Elle est fabriquée de toutes pièces», affirme M. Hammami. Il ajoute: «En temps normal, c’est la police qui doit assurer la sécurité et ne pas envenimer la situation. Et c’est à M. Caïd Essebsi d’assurer la sécurité des Tunisiens.» Poussant le bouchon encore plus loin, le chef du Poct va jusqu’à demander une confrontation en direct avec M. Essebsi. Sûr de ses talents de grand débatteur, il défie le Premier ministre: «Le dernier mot reviendra aux millions de téléspectateurs. Eux seuls pourront voir de quel côté se trouve la vérité», lance-t-il.
Un homme averti en vaut deux
Chokri Belaïd, porte-parole du Mouvement des nationaux démocrates (Mnd), est allé encore plus loin. Revenant sur tous les actes de violence enregistrés depuis la révolution, il a expliqué: «S’agissant des évènements tragiques des 15 et 16 janvier, le gouvernement a trouvé le coupable du moment: Abdessalem Jrad et l’Ugtt. Pour ceux des 25 et 26 février, le gouvernement a montré du doigt les militants d’Ennahdha. Maintenant, le gouvernement accuse le Poct ou le Mnd d’être les auteurs des dépassements du 7 et 8 mai ou des événements de Siliana où, au moment où je vous parle, 4.000 personnes manifestent pour exiger des excuses du Premier ministre». Et M. Belaïd de faire remarquer, au passage, que le gouvernement accuse tout le monde sauf les partisans du Rcd.
«Le gouvernement cherche à ménager les proches du clan Ben Ali et fait porter le chapeau à tous les autres. C’est la politique du ‘‘Ce n’est pas moi, c’est l’autre’’», ironise M. Belaïd, qui appelle le Premier ministre à être plus à l’écoute du peuple et à répondre à ses attentes légitimes.
«Le gouvernement provisoire n’a pas procédé jusqu’à présent à l’ouverture du dossier de la corruption et de la torture et n’a pas traduit devant la justice les personnes impliquées dans l’assassinat des martyrs de la révolution», déplore le porte-parole du Mnd. Qui va jusqu’à accuser le gouvernement de «tentative de récupération de la révolution et de tergiversation au sujet de la participation des symboles de l’ancien régime et du Rcd aux élections de l’assemblée constituante».
«Le pays va droit au mur. Le retour en force des Rcdistes ne sert pas la cause de la révolution. Le fait de cacher des choses ne fait qu’aggraver le cas de M. Caïd Essebsi et détériorer la situation du pays, qui est déjà fragilisé. Le moment est grave et rien ne vaut la vérité et un homme averti en vaut deux», a prévenu M. Belaïd en conclusion.
Zohra Abid