Le courant passe très bien entre Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi. Les deux hommes ont pourtant peu de choses en commun, sauf peut-être de connaître le Coran par cœur.


L’un est moderniste et vaguement laïque, formé à l’école réformiste de Bourguiba, et l’autre est un fier disciple des frères musulmans égyptiens, favorable sinon à l’application de la charia du moins à la non ingérence de l’Etat dans les affaires religieuses.

Une «convergence des points de vue»!
Pourtant, la première rencontre officielle entre le Premier ministre du gouvernement provisoire et le président du parti islamiste Ennahdha, mercredi, au Palais du gouvernement de la Kasbah, s’est plutôt bien passée. Au terme de l’audience, qui a porté sur l’analyse de la situation dans le pays, caractérisée par une montée de la contestation sociale et des dérapages sécuritaires en série, M. Ghannouchi a souligné, dans une déclaration à l’agence officielle Tap, «la convergence des points de vue entre Ennahdha et le gouvernement provisoire concernant l’ensemble des questions qui se posent».



Ce ne sont pas là, on l’imagine, des mots en l’air. D’autant que le président du mouvement Ennahdha a indiqué, également, que la rencontre a permis d’examiner les moyens permettant de dynamiser l’activité économique, de faire face aux actes de destruction des biens publics et privés et d’assurer la protection des citoyens.

Attachement des islamistes à l’ordre public
Le leader islamiste tunisien, qui a affirmé aussi son refus de toute tentative de porter atteinte aux institutions de l’Etat, semble vouloir prendre ses distances vis-à-vis des mouvements qui alimentent la contestation sociale et montrer ainsi sa volonté de contribuer à la stabilisation de la situation dans le pays.
En saluant, également, l’affirmation par le Premier ministre du maintien de la date du 24 juillet pour les élections de l’assemblée nationale constituante, M. Ghannouchi souligne l’attachement de son parti au retour de l’ordre public, condition sine qua non de la tenue de ces élections dans des conditions minimales de réussite.
Les islamistes tunisiens cherchent donc à calmer le jeu et à jouer un rôle constructif dans cette phase pré-électorale. Ils ont pour cela deux raisons. La première: ils savent que leurs chances, en cas d’élection transparente et équitable, ne sont pas négligeables. La seconde: ils savent, par expérience, que tout désordre public pourrait être utilisé par leurs adversaires pour les exclure de la course. La méthode a déjà été utilisée avec succès par Bourguiba, puis surtout par Ben Ali.

Imed Bahri