Assiste-t-on aux prémices d’une contre-révolution en Tunisie? Notre consœur Sihem Bensedrine a une idée intéressante sur cette question. Elle l’a développée dans un entretien à l’agence Swissinfo.


«Les caciques de l’ancien régime cherchent à se protéger. Comme il y a une certaine vacance à la tête de la révolution qui n’a pas encore placé ses hommes au pouvoir. Les élites du régime Ben Ali tentent de sauver une partie au moins de leur privilèges, voire de reprendre le pouvoir politique et économique», explique-t-elle à Swissinfo.
La porte-parole du Conseil national pour les libertés en Tunisie (Cnlt) et rédactrice en chef de Radio Kalima pointe en particulier le système judiciaire et une partie des forces de l’ordre, en particulier l’ancienne police politique, qui seraient, selon elle, toujours contrôlés par les partisans de l’ancien régime.
Sihem Bensedrine prend à témoin la répression des manifestations des jeunes révolutionnaires, en particulier début mai: «Le scénario est toujours le même. Les manifestations pacifiques sont régulièrement infiltrées par des casseurs et des délinquants qui se déchaînent. Ce qui entraîne l’intervention à la base légitime des forces de l’ordre. Mais les personnes qui se font arrêter ne sont pas les casseurs. La police et notamment la police politique, qui est toujours en place et qui agit en civil, profite des violences pour arrêter les jeunes activistes qui se sont illustrés par des revendications politiques, qui filment des scènes de répression et les diffusent sur le web. Un certain nombre sont relâchés. Mais beaucoup d’entre eux restent en prison pour des faits présumés de violence», accuse Sihem Bensedrine.
La porte-parole du Cnlt parle même de chantage à l’encontre du gouvernement de transition exercé par les caciques de l’ancien régime et leurs réseaux. «Les violences ont démarré le lendemain de la décision du gouvernement de maintenir la mesure d’inéligibilité (article 15) qui frappe les responsables  de l’ancien régime. Ils exercent ainsi une forme de chantage à l’égard du peuple et du gouvernement de transition: si vous voulez la liberté, vous n’aurez pas la sécurité. Si vous nous attaquez, nous allons brûler le pays», fait-elle remarquer.