«Je suis journaliste, fier de l’être et je continuerais à l’être. Mais, l’évolution de la situation dans le pays et mon ambition personnelle m’ont jeté dans la politique»…
Par Zohra Abid


C’est ce qu’a déclaré Omar Shabou, lors d’un point de presse, mercredi, à l’espace El Teatro de Tunis.
La salle n’était pas pleine à craquer comme on s’y attendait. La salle était juste à moitié pleine. Ni drapeaux ni affiches géantes ni encore petits fours et gourmandises pour les invités du jour, comme font souvent d’autres partis. Mais à l’entrée, sur la table, on a soigneusement posé une pile de dépliants... Sur un fond vert pistache, ces dépliants mettent en relief la philosophie du Mouvement réformiste tunisien (Mrt). Sur la Une, des photos des membres du bureau exécutif. Quant aux journalistes, ceux qui ont répondu à l’invitation de leur collègue et doyen Omar Shabou – une figure emblématique des médias des années 1970-1980 qui vient de rentrer au pays après de longues années d’exil –, se comptent tout au plus sur les doigts des deux mains. La conférence prévue à 10h30 n’a commencé qu’après une demi-heure. La raison: attendre les journalistes retardataires de la chaîne Nessma TV.

Le bourguibisme qui renaît de ses cendres
Entouré de ses camarades, le leader du Mrt a voulu commencer par rendre hommage à ses collègues journalistes, présents ou absents, d’hier ou d’aujourd’hui. «J’étais à l’étranger et en lisant les journaux tunisiens, je sentais que mes collègues étaient contraints d’écrire ce qu’ils écrivaient. J’appelle aujourd’hui tous les journalistes à lever leur tête et d’être à la hauteur de leur responsabilité historique. Nous sommes le quatrième pouvoir et nous avons notre mot à dire dans la construction de la nouvelle Tunisie», a-t-il lancé, cherchant par tous moyens des circonstances atténuantes aux médias pour tout le mal qu’ils ont fait au pays. Et d’innocenter aussi une majorité de Tunisiens pour leur implication involontaire. «Ce n’est qu’une parenthèse de 23 ans», a-t-il dit. Selon cet ex-opposant à Ben Ali, maintenant, la boucle est bouclée et l’avenir est entre les mains des jeunes qui l’ont impressionné le 14 janvier.



«Comme vous le saviez déjà, j’avais auparavant des responsabilités au Destour. Puis, j’ai dû arrêter toute activité en 1980», a dit cet ancien militant qui a préféré ne pas revenir sur les chapitres noirs du passé. Mais de s’arrêter sur celui qui le tient à cœur pour toujours. «J’ai entendu tout le monde parler de réforme. Tout le monde cite en exemple les réformistes du pays. Mais il ne cite presque jamais le réformateur Bourguiba», a-t-il rappelé. Ces propos indiquent l’orientation du Mrt. C’est le bourguibisme qui renaît de ses cendres. «Le jour de la commémoration de l’anniversaire de la mort Bourguiba qui a eu lieu début avril à Monastir, vous n’avez pas idée sur la foule présente. Ils étaient des jeunes et moins jeunes et c’est là que j’ai compris que Bourguiba avait laissé quelque chose», a précisé M. Shabou.

L’heure est à la réconciliation
Mais Shabou ne prend pas tout de Bourguiba. Il dit que le premier président du pays a réussi la modernisation de la Tunisie, mais il a échoué la deuxième partie qui est la démocratie. «Je n’ai pas compris pourquoi Bourguiba a-t-il cherché à développer l’esprit individualiste. Le projet du Mrt est de garder la modernité et de corriger la deuxième partie pour réaliser la démocratie ratée par Bourguiba», a-t-il dit. 
Dans le discours de M. Shabou, on sent un appel au rassemblement de tous les Tunisiens qui doivent faire la paix entre eux et tourner la page du passé. «Ceux qui étaient membres au Rcd ne sont pas tous mauvais. Parmi eux, des personnes efficaces et ils ont les mains propres. Il ne faut pas les laisser orphelins», plaide M. Shabou. Et d’ajouter qu’il faut attendre la liste des cadres de l’ex-parti au pouvoir qui sera définie prochainement pour savoir qui vont être sanctionnés. «Ceux qui figureront sur la liste, bien sûr, n’auront pas leur place au Mrt. Nous nous positionnons au centre et nous sommes contre la sanction gratuite», insiste-il.
Interrogé sur le possible report de la date des élections du 24 juillet, M. Shabou a répondu qu’en tant que jeune parti, cela l’arrangerait que la date soit reportée, d’autant qu’il y a au moins 600.000 Tunisiens encore sans cartes d’identité et qui pourraient être privés de vote. «Mais vu la situation fragile du pays, il vaut mieux garder cette date. L’intérêt général doit l’emporter. Nous ne devons pas être égoïstes», a dit cet ancien journaliste qui a fait le tour de quasiment tous les grands journaux du pays et du Maghreb (‘‘Dialogue’’, ‘‘Jeune Afrique’’, ‘‘Maghreb’’) avant de se retrouver en exil en France des années durant.
Quelle est la plate-forme du Mrt? Réponse de M ; Shabou: «Nous nous proclamons les héritiers et les continuateurs de la pensée réformiste tunisienne de Khaïreddine à Bourguiba en passant par Bayrem, Béchir Sfar, Tahar Haddad, Farhat Hached». Selon lui, le Mrt entend poursuivre le même souffle réformiste structurel pour relever les défis qui attendent la nation tunisienne aujourd’hui et demain.
Autrement dit, les fondateurs du parti ambitionnent d’élaborer une idéologie sculptée sur mesure pour la Tunisie nouvelle avec  la fierté d’appartenir à la société arabo- musulmane, mais qui sera tournée vers le monde extérieur et la modernité.

La doctrine du Mrt en quelques phrases

* «La laïcité est un débat importé. Les Tunisiens n’ont pas tissé avec la France des liens de dépendance. Pour le Mrt, la deuxième langue est celle qui permet aux Tunisiens de rester dans un rapport d’interaction avec les évolutions actuelles et futures de l’humanité. Ce sera l’anglais».

* «L’archéologie, la littérature, la poésie, la chorégraphie, le théâtre, la musique, le folklore, les traditions soufies seront revisitées avec un esprit de réhabilitation et de réconciliation».

* «La confiance, la loyauté dans la concurrence et le respect des règles de jeu propres à l’économie de marché devant être les valeurs motrices et organisatrices. La fiscalité doit établir progressivement une juste et globale harmonie des revenus sur la base du concept de méritocratie».

* «La politique étrangère: une nouvelle configuration géopolitique mondiale articulée avec l’émergence des nouvelles puissances comme la Chine, l’Inde et le Brésil, le concept est de multipolarité qui n’annule pas, chez des nations dites petites, toute ambition de jouer un rôle décisif».

* «L’intelligence ne se mesure pas à l’aune du Pib, de la superficie du territoire ou du poids démographique. L’intelligence est une ressource universelle égale».

* «Après la révolution, on a découvert une jeunesse éveillée, mûre et sympathique. Le Mrt a foi en les aptitudes des Tunisiens à s’insérer dans la grande aventure de l’humanité, celle qui veut réconcilier l’homme et la nature, l’homme et la planète, l’homme et lui-même».

Ces petites phrases ne sont qu’une présentation de la philosophie du parti composé de membres jeunes et moins jeunes venus de tous les horizons et des quatre coins du pays. Ils sont nés à Tunis, à Nabeul, à Sfax, à Kairouan… «Ils ne sont pas tous nés à Tunis. Ils tirent leurs origines du Sahel, du Nord-Ouest, du Sud…», a tenu à préciser le chef du Mrt sur une note d’humour. Enfin, un petit sourire!

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Tunisie. Omar Shabou revendique l’héritage de Bourguiba

«Je suis journaliste, fier de l’être et je continuerais à l’être. Mais, l’évolution de la situation dans le pays et mon ambition personnelle m’ont jeté dans la politique»…

C’est ce qu’a déclaré Omar Shabou, lors d’un point de presse, a déclaré, mercredi, à l’espace El Teatro de Tunis.

La salle n’était pas plein à craquer comme on s’y attendait. La salle était juste à moitié pleine. Ni drapeaux ni affiches géantes ni encore petits fours et gourmandises pour les invités du jour, comme font souvent d’autres partis. Mais à l’entrée, sur la table, on a soigneusement posé une pile de dépliants... Sur un fond vert pistache, ces dépliants mettent en relief la philosophie du Mouvement réformiste tunisien (Mrt). Sur la Une, des photos des membres du bureau exécutif. Quant aux journalistes, ceux qui ont répondu à l’invitation de leur collègue et doyen Omar Shabou – une figure emblématique des médias des années 1970-1980 qui vient de rentrer au pays après de longues années d’exil –, se comptent tout au plus sur les doigts des deux mains. La conférence prévue à 10h30 n’a commencé qu’après une demi-heure. La raison: attendre les journalistes retardataires de la chaîne Nessma TV.

Le bourguibisme qui renaît de ses cendres

Entouré de ses camarades, le leader du Mrt a voulu commencer par rendre hommage à ses collègues journalistes, présents ou absents, d’hier ou d’aujourd’hui. «J’étais à l’étranger et en lisant les journaux tunisiens, je sentais que mes collègues étaient contraints d’écrire ce qu’ils écrivaient. J’appelle aujourd’hui tous les journalistes à lever leur tête et d’être à la hauteur de leur responsabilité historique. Nous sommes le quatrième pouvoir et nous avons notre mot à dire dans la construction de la nouvelle Tunisie», a-t-il lancé, cherchant par tous moyens des circonstances atténuantes aux médias pour tout le mal qu’ils ont fait au pays. Et d’innocenter aussi une majorité de Tunisiens pour leur implication involontaire. «Ce n’est qu’une parenthèse de 23 ans», a-t-il dit. Selon cet ex-opposant à Ben Ali, maintenant, la boucle est bouclée et l’avenir est entre les mains des jeunes qui l’ont impressionné le 14 janvier.

«Comme vous le saviez déjà, j’avais auparavant des responsabilités au Destour. Puis, j’ai dû arrêter toute activité en 1980», a dit cet ancien militant qui a préféré ne pas revenir sur les chapitres noirs du passé. Mais de s’arrêter sur celui qui le tient à cœur pour toujours. «J’ai entendu tout le monde parler de réforme. Tout le monde cite en exemple les réformistes du pays. Mais ils ne citent presque jamais le réformateur Bourguiba», a-t-il rappelé. Cs propos indiquent l’orientation du Mrt. C’est le bourguibisme qui renaît de ses cendres. «Le jour de la commémoration de l’anniversaire de la mort Bourguiba qui a eu lieu début avril à Monastir, vous n’avez pas idée sur la foule présente. Ils étaient des jeunes et moins jeunes et c’est là que j’ai compris que Bourguiba avait laissé quelque chose», a précisé M. Shabou.

L’heure est à la réconciliation

Mais Shabou ne prend pas tout de Bourguiba. Il dit que le premier président du pays a réussi la modernisation de la Tunisie, mais il a échoué la deuxième partie qui est la démocratie. «Je n’ai pas compris pourquoi Bourguiba a-t-il cherché à développer l’esprit individualiste. Le projet du Mrt est de garder la modernité et de corriger la deuxième partie pour réaliser la démocratie ratée par Bourguiba», a-t-il dit.

Dans le discours de M. Shabou, on sent un appel au rassemblement de tous les Tunisiens qui doivent faire la paix entre eux et tourner la page du passé. «Ceux qui étaient membres au Rcd ne sont pas tous mauvais. Parmi eux, des personnes efficaces et ils ont les mains propres. Il ne faut pas les laisser orphelins», plaide M. Shabou. Et d’ajouter qu’il faut attendre la liste des cadres de l’ex-parti au pouvoir qui sera définie prochainement pour savoir qui vont être sanctionnés. «Ceux qui figureront sur la liste, bien sûr, n’auront pas leur place au Mrt. Nous nous positionnons au centre et nous sommes contre la sanction gratuite», insiste-il.

Interrogé sur le possible report de la date des élections du 24 juillet, M. Shabou a répondu qu’en tant que jeune parti, cela l’arrangerait que la date soit reportée, d’autant qu’il y a au moins 600.000 Tunisiens encore sans cartes d’identité et qui pourraient être privés de vote. «Mais vu la situation fragile du pays, il vaut mieux garder cette date. L’intérêt général doit l’emporter. Nous ne devons pas être égoïstes», a dit cet ancien journaliste qui a fait le tour de quasiment tous les grands journaux du pays et du Maghreb (‘‘Dialogue’’, ‘‘Jeune Afrique’’, ‘‘Maghreb’’) avant de se retrouver en exil en France des années durant.

Quelle est la plate-forme du Mrt? Réponse de M ; Shabou: «Nous nous proclamons les héritiers et les continuateurs de la pensée réformiste tunisienne de Khaïreddine à Bourguiba en passant par Bayrem, Béchir Sfar, Tahar Haddad, Farhat Hached». Selon lui, le Mrt entend poursuivre le même souffle réformiste structurel pour relever les défis qui attendent la nation tunisienne aujourd’hui et demain.

Autrement dit, les fondateurs du parti ambitionnent d’élaborer une idéologie sculptée sur mesure pour la Tunisie nouvelle avec  la fierté d’appartenir à la société arabo- musulmane, mais qui sera tournée vers le monde extérieur et la modernité.

La doctrine du Mrt en quelques phrases

* «La laïcité est un débat importé. Les Tunisiens n’ont pas tissé avec la France des liens de dépendance. Pour le Mrt, la deuxième langue est celle qui permet aux Tunisiens de rester dans un rapport d’interaction avec les évolutions actuelles et futures de l’humanité. Ce sera l’anglais».

* «L’archéologie, la littérature, la poésie, la chorégraphie, le théâtre, la musique, le folklore, les traditions soufies seront revisitées avec un esprit de réhabilitation et de réconciliation».

* «La confiance, la loyauté dans la concurrence et le respect des règles de jeu propres à l’économie de marché devant être les valeurs motrices et organisatrices. La fiscalité doit établir progressivement une juste et globale harmonie des revenus sur la base du concept de méritocratie».

* «La politique étrangère: une nouvelle configuration géopolitique mondiale articulée avec l’émergence des nouvelles puissances comme la Chine, l’Inde et le Brésil, le concept est de multipolarité qui n’annule pas, chez des nations dites petites, toute ambition de jouer un rôle décisif».

* «L’intelligence ne se mesure pas à l’aune du Pib, de la superficie du territoire ou du poids démographique. L’intelligence est une ressource universelle égale». * «Après la révolution, on a découvert une jeunesse éveillée, mûre et sympathique. Le Mrt a foi en les aptitudes des Tunisiens à s’insérer dans la grande aventure de l’humanité, celle qui veut réconcilier l’homme et la nature, l’homme et la planète, l’homme et lui-même».

Ces petites phrases ne sont qu’une présentation de la philosophie du parti qui compte sur des jeunes et moins jeunes venus de tous les horizons et des quatre coins du pays. Ils sont nés à Tunis, à Nabeul, à Sfax, à Kairouan… «Ils ne sont pas tous nés à Tunis. Ils tirent leurs origines du Sahel, du Nord-Ouest, du Sud…», a tenu à préciser le chef du Mrt sur une note d’humour. Enfin, un petit sourire!

Zohra Abid