Le 1er Forum tuniso-français de la société civile s’est tenu vendredi et samedi à Tunis, avec la participation de dizaines d’associations, d’Ong, de collectivités publiques et d’activistes tunisiens et français de la société civile.
Ce Forum, organisé dans la Cité des sciences à Tunis par l’association Sawty, le collectif Randet, l’association Amal et l’association Enda Inter-Arabe, a connu beaucoup de réussite et une affluence remarquable. Il a été l’occasion d’échanger sur les idées et les plans pour hisser le niveau des acteurs de la société civile tunisienne aux normes mondiales et aux attentes de l’ère post-révolutionnaire.
Lors de la séance plénière de samedi, Yadh Ben Achour, président de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, a commencé par noter que «notre révolution en est une parce que la notion d’association a changé». «Nos jeunes, a-t-il indiqué, sont le fer de lance de la révolution. Ils ne cessent de nous pousser vers le changement. Ils ont besoin de protéger la révolution, à travers un nouvel esprit civique ».
Miser sur la société civile dans la transition
M. Ben Achour a appelé à «une rupture avec un paradigme historique avec lequel les sociétés arabes ont vécu pendant des siècles, et pas uniquement avec 23 ans de dictature et ceci ne peut être atteint que par la société civile».
«Si nos modes de raisonnement et notre esprit civique ne changent pas, aucune constitution et aucun parti politique ne pourront changer notre société », a-t-il averti, concluant que «pour maintenir la vigilance qui a marqué le début de la révolution, il faut miser sur la société civile».
Martin Hirsch, président de l’Agence du service civique (France), a indiqué qu’ils sont «beaucoup en France à être proche de ce que vous faites et de ce que vous avez vécu». Reconnaissant «la difficulté qu’éprouve la société civile pour se positionner dans le paysage politique», M. Hirsch pense que «la société civile doit affirmer sa singularité et sa forme, sans être soumise. Ce n’est jamais gagné car le pouvoir politique fera tout pour la manipuler et la contenir».
Pour ce chevronné de l’action citoyenne et du travail associatif, la société civile a besoin: 1/ d’un cadre juridique, qui lui garantirait sa singularité et son indépendance et 2/ de son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, des pouvoirs publics, des intérêts privés et des intérêts religieux.
Une adéquation difficile
Comment donc garantir sa pérennité? L’ancien Haut-commissaire à la Jeunesse (dans le gouvernement de François Fillon) voit que les ressources d’une association proviennent des cotisations de ses adhérents, des dons publics et privés (sous condition qu’ils soient cadrés et transparents) et de ses activités économiques.
Il évoque l’expérience française très réussie, qui consiste à inviter les jeunes à effectuer leur service civique sous forme d’activités volontaristes dans des associations en France et à l’étranger.
Selon Hirsch, cette formule, «dont 15.000 jeunes Français ont bénéficié cette année», offre des possibilités de collaboration avec la Tunisie. L’Agence du service civique, qu’il dirige, propose d’aider à ce que des jeunes Tunisiens en profitent.
Attention à l’isolement et à la manipulation
Jean-Louis Vielajus, président de Coordination Solidarité Urgence Développement (Sud), voit l’importance de la société civile dans la zone euro-Med autrement. «L’Europe a peur de l’immigration, de l’insécurité et de la mondialisation mais la révolution tunisienne a réussi à dissiper ces craintes par l’image rassurante qu’elle a véhiculée», a-t-il dit. Et d’ajouter: «Le mouvement associatif a joué un grand rôle dans la mobilisation pour l’intérêt général (pendant la révolution tunisienne) mais il faut faire attention à la faiblesse récurrente des associations dans le monde».
Une faiblesse surtout due, selon M. Vielajus, à l’isolement et au manque de collaboration entre elles. «D’où le besoin de créer des groupements d’associations », dits Forums ou collectifs ou autre. Un besoin qui doit naitre d’une conscience «qu’il ne faut pas rester morcelé, isolé».
Une cinquantaine de ces collectifs existe aujourd’hui dans le monde.
«En se mettant ensemble, on devient un acteur public pesant dans nos pays», appelle Vielajus. Ainsi, «il faut fructifier les liens entre les tissus associatifs des deux rives de la méditerranée car nous avons besoin de vous, vous avez besoin de nous».
D’où l’importance de faciliter aux jeunes tunisiens l’obtention de visas pour la France. Un «rêve» que cet activiste français ne dénie pas. «La promesse faite par l’ambassadeur de la France dans ce sens (vendredi soir, lors d’une réception en l’honneur des participants au Forum, ndlr) est symbolique», a-t-il indiqué.
Le Forum s’est poursuivi samedi avec des ateliers sur la Citoyenneté, l’Environnement, les Femmes et la Santé des femmes et le Microcrédits.
Mourad Teyeb