Au terme de la 2ème rencontre avec les médias accrédités auprès de la Cellule d’information du gouvernement de transition, mardi au Premier ministère, les journalistes sont rentrés bredouilles (ou presque).
La plupart des informations annoncées tournaient partout en boucle depuis la veille et l’avant-veille. Les journalistes qui se sont dépêchés pour recueillir les dernières actualités à bonne source ont donc été déçus. Pourtant, la scène politique et sociale grouille d’actualités et les dépêches tombent à flot à toute heure et de toutes parts.
Ambiance, ambiance…
La séance, un peu bâclée, n’a finalement duré qu’un tout petit quart d’heure. Pour dire quoi? Pas grand-chose!
Cinq représentants des ministères de la Justice, de l’Intérieur, de la Défense nationale, du Développement régional et de la Formation professionnelle et du l’Emploi ont répondu à l’appel. Chacun a disposé de trois minutes à peine pour annoncer ce qui se passait dans son département devant une salle archi-comble, qui ressemble plus à une boite de sardines qu’à une salle de conférence.
Est-ce que la rencontre méritait vraiment le déplacement? Les lecteurs jugeront...
«Nous sommes vraiment débordés et cette rencontre va être courte. Je vous annonce quand même une bonne nouvelle. La prochaine aura lieu dans une salle plus spacieuse. Nous allons changer aussi les horaires. Ce sera le mardi à 15 heures et le vendredi à midi», a annoncé aux journalistes, Moez Sinaoui, porte-parole du Premier ministre provisoire, avant de céder le micro aux représentants de l’Etat.
L’affaire Marouane Ben Zineb
Kadhem Zine El Abidine, du ministère de la Justice, est revenu sur la visite, la semaine dernière, en Tunisie, de Juan Méndez. «L’expert argentin (et rapporteur spécial de l’Onu sur la torture) a déclaré que la torture continue encore en Tunisie. Nous répondons qu’il n’en est plus question. Toute personne auteur d’un mauvais traitement dans les postes de police ou dans les prisons sera jugée et les victimes peuvent déposer leur plainte auprès du juge d’instruction», a-t-il dit. Et d’ajouter qu’actuellement, il y a des plaintes en ce sens.
Le responsable a évoqué ensuite le cas de l’ingénieur Marouane Ben Zineb, qui avait découvert, par inadvertance, au début des années 1990, en pénétrant dans le système d’information de l’ex-président, un réseau de renseignements. Conséquence: il a été kidnappé et torturé à mort avant d’être jeté sur les rails à la gare d’Ezzahra (banlieue sud de Tunis). «Il va y avoir une autopsie pour savoir les raisons exactes de sa mort», a annoncé M Zine El Abidine.
Le responsable a également annoncé que son département étudie les moyens d’activer les commissions rogatoires émises par le juge d’instruction de Tunis à l’encontre du président déchu, les membres de sa famille et le reste des accusés en état de fuite. Est-ce à dire que les processus d’extradition vont être accélérés et que les avoirs et biens à l’étranger des Ben Ali, Trabelsi, Chiboub et consorts vont être enfin rapatriés? On peut toujours espérer…
La famille de Kadhafi
Samir Toumi, du ministère de l’Intérieur, a rejeté catégoriquement la rumeur relative à la présence des membres de la famille de Kadhafi sur le territoire tunisien. «Nous respectons à la lettre les décisions onusiennes et les articles 1970 et 1973 du 26 février et du 16 mars 2011: 18 membres de la famille n’ont pas le droit de quitter les frontières de leur pays et ils ne sont pas en Tunisie», a-t-il précisé. Quant au passage de certaines personnalités libyennes par le territoire tunisien, M. Toumi a affirmé que tant qu’il n’y a rien à l’encontre de ces personnes, qui disposent d’un passeport officiel, ils peuvent se déplacer comme tout le monde.
Mokhtar Ben Nasr, du ministère de la Défense, s’est contenté de dire que le pays est relativement calme. «Avec les unités de la Garde nationale et celles de la Sécurité, les militaires veillent sur le littoral, la terre et toutes les frontières. Il y a eu ces derniers jours quelques obus tombés près de la frontière avec la Libye tirés par les troupes de Kadhafi. Heureusement qu’ils sont tombés dans un périmètre désert et qu’il n’y a pas eu de dégât», a-t-il rassuré. Et d’ajouter que quelques heurts ont été déclenchés entre les réfugiés, originaires du Soudan, de Somalie ou des Erythréens, qui ne peuvent pas rentrer chez eux et qui attendent d’être évacués par l’Onu.
420.620 réfugiés dont 215.000 Libyens
«Il y a eu 21 tentes brûlées et nous avons signalé la mort de deux personnes», a-t-il dit après avoir rappelé que depuis le 23 février, la Tunisie a accueilli 420.620 réfugiés dont 215.000 Libyens. Aujourd’hui, 8.000 ont trouvé refuge en Tunisie dont 2.440 Libyens. Parmi ces Libyens, 420 familles et leurs enfants viennent d’être scolarisés dans les écoles. Avec l’aide du Maroc, du Qatar, des Emirats arabes unis et des organisations humanitaires internationales, la Tunisie a mis à la disposition de ces réfugiés des hôpitaux et des médecins.
Samir Lazâar, du ministère du Développement régional, est revenu sur la visite, lundi, de pas moins de 7 ministres à Sidi Bouzid. «Ce n’est qu’un premier pas. Les visites vont continuer dans les régions pour mettre en exécution les plans et les propositions du gouvernement pour impulser le développement régional», a-t-il annoncé. Mais il n’a pas soufflé un mot sur les manifestations de colère que ces visites ont provoquées dans certaines villes de la région, notamment à Regueb.
Les trois dernières minutes sont revenues à Karim Mejri, du ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi. Selon lui, on trouve tout sur le site du ministère http://www.concour.gove.tn. C’est à se demander pourquoi on nous a dérangés. Mais passons !
M. Mejri a rappelé, par la même occasion, qu’après la première vague de recrutements qui vient d’avoir lieu dans les ministères de l’Agriculture, de l’Education et de l’Environnement, les ministères de la Femme, de l’Enseignement supérieur et… vont communiquer bientôt des circulaires pour recruter des jeunes.
La séance a ensuite été levée. Pas un mot de plus. Ni la moindre question. Les journalistes, restés sur leur faim, sont priés de se disperser! Ils avaient pourtant tant d’interrogations sur la situation dans le pays.
Zohra Abid
Photo de la bannière: Moez Sinaoui, porte-parole du Premier ministre provisoire.