Il fut un temps, pas très lointain, où Ben Ali faisait «observer» les élections en Tunisie par des observateurs maison, dont on a eu à apprécier la neutralité et l’impartialité.


Nous nous souvenons encore des déclarations de ces faux témoins («chouhoud zour») aux micros des radios et devant les caméras des télévisions sur les soi-disant bonnes conditions de déroulement des opérations électorales: de l’inscription sur les listes électorales, manipulée par les fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, à la proclamation des résultats, assurées par ces mêmes fonctionnaires, sans parler des bureaux de vote tenus, comme il se doit, par les barbouzes du parti au pouvoir, le Rcd, aujourd’hui dissous mais toujours actif dans les coulisses du pouvoir et de l’administration.

Les faux témoins
Le directeur de l’Etablissement de la Télévision Tunisienne (Ett), Mokhtar Rassaâ, serait bien inspiré de nous sortir quelques séquences d’archives des élections de 2004 et 2009, les deux dernières en date, pour aider à démasquer ces faux témoins et fieffés menteurs, rafraîchir ainsi la mémoire des Tunisiens et leur montrer ce qu’il convient d’éviter à l’avenir!
A l’occasion de chaque élection, l’Agence tunisienne de communication extérieure (Atce), elle aussi dissoute mais toujours active, s’arrangeait pour ramener dans le pays une meute de soi-disant observateurs étrangers, composée de pseudos hommes politiques sur le retour, de journalistes sans talent et surtout corrompus, de responsables d’associations obscures, bref une humanité sans foi ni loi, qui jouait le jeu de la triche et du mensonge d’Etat, moyennant quelques attentions sonnantes et trébuchantes. Sortons les listes de ces faux-témoins et les montants des chèques qu’ils ont perçues! Il doit y avoir des traces que l’administration serait bien inspirée, elle aussi, de montrer aux Tunisiens. A moins que…

Ceux qui tirent les ficelles
Ces mascarades dont les Tunisiens ont longtemps été gavés – par ces mêmes médias de Ben Ali qui leur chante aujourd’hui les louanges de la révolution – ne devraient plus avoir lieu en Tunisie. Les Tunisiens ont payé, par le sang de leurs martyrs, leur liberté et leur dignité retrouvés. Ils ne laisseront plus les faiseurs de roi, les marionnettistes et les charlatans de la Com’ tirer les ficelles derrière la scène. Plus jamais ça! Tout se fera désormais en pleine lumière et dans la clarté du jour. Les prochaines élections, dont on espère que la Haute Instance aura le temps de bien préparer toutes les étapes, se déroulera sous un strict contrôle, afin que ses résultats ne soient pas falsifiés ou détournés par une quelconque partie ou un parti plus riche ou mieux doté que les autres.
Ce commentaire nous a été inspiré par l’organisation, les 2 et 3 juin à l’hôtel Golden Tulip El Mechtel, à Tunis, d’un séminaire sur «le rôle des observateurs internationaux pour des élections transparentes». Ce séminaire, organisé par le Centre des études méditerranéennes et internationales (Cemi), dirigé par Ahmed Driss, en partenariat avec le bureau de Tunis de la Fondation Konrad Adenauer, intervient en pleine préparation de l’élection d’une Assemblée constituante, la seconde depuis l’indépendance du pays en 1956, mais la première vraiment libre, pluraliste et transparente. C’est du moins ce que tous les Tunisiens souhaitent.

Le regard extérieur
Le contrôle de ces élections sera assuré, on le sait, par la Haute instance indépendante pour les élections, dirigée par le militant des droits de l’homme Kamel Jendoubi. Récemment créée, ses membres ont été élus par la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique. Ce sont des personnalités dont l’intégrité et l’indépendance sont reconnus de tous.
Le contrôle des élections sera assuré aussi par les partis politiques qui y seront engagés, et pour la première fois sans discrimination ni exclusion. Ainsi que par la société civile tunisienne qui ne manquera pas de se mobiliser pour faire aboutir ce scrutin décisif pour l’avenir du pays.
Est-ce à dire que des observateurs étrangers ne sont pas les bienvenues? Non, bien sûr, car toutes les élections, et à plus forte raison celles qui se déroulent dans des pays en transition, sont contrôlées par des organismes et des observateurs étrangers. Cela donne à leurs résultats la crédibilité et l’authenticité qui les font accepter par tous les protagonistes. Ainsi que par la communauté internationale, dont la Tunisie a aujourd’hui besoin pour avancer sur la voie de la démocratie et du progrès économique.
Aussi le séminaire organisé par le Cemi, où l’on annonce la participation de nombreux universitaires et experts, nationaux et internationaux*, tombe-t-il à pic pour éclairer les Tunisiens sur l’importance de ce regard extérieur, forcément neutre et impartial.
Il convient de rappeler que l’ex-Premier ministre Mohamed Ghannouchi avait annoncé, dès janvier, la volonté du gouvernement provisoire d’autoriser des observateurs étrangers pour les premières élections post-révolution. Il n’y a aucune raison pour revenir sur cette décision.

Imed Bahri

* Les participants au colloque du Cemi: Samir Taieb, membre de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, José Antonio de Gabriel, expert international en matière d’élections, Mounir Snoussi, membre de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, Fadhel Blibech, Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, Eric des Pallières, expert international en matière d’élections, Ahmed Driss, directeur du Centre des études méditerranéennes et internationales, Emmanuel Gény, expert international en matière d’élections, Mohammed Chafik Sarsar, membre de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, Tommaso Caprioglio, expert international en matière d’élections, Haykel Ben Mahfoudh, Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, Francesca Boggeri, experte internationale en matière d’élections, Stephane Mondon, expert international en matière d’élections, Mustapha Mansouri, Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, Anne Grandvoinnet Serafini, experte internationale en matière d’élections, Ibrahim Refaai, chercheur en droit et science politique, Tunis.