La justice militaire ne semble pas prête de lâcher la pression sur Farhat Rajhi, même après que l’ancien ministre de l’Intérieur eût présenté des excuses publiques à l’armée.


Une source autorisée du ministère de la Défense nationale a en effet affirmé, samedi, à l’agence officielle Tap, que la justice militaire poursuit l’instruction de l’affaire de Farhat Rajhi, précisant que cette démarche vient consacrer le principe de la primauté de la loi et de l’égalité de tous devant la justice, en concordance avec les principes de la révolution tunisienne.
Dans une interview postée sur Facebook, l’ancien ministre de l’Intérieur avait affirmé que l’armée nationale pourrait être amenée à provoquer un coup d’Etat militaire si les islamistes d’Ennahdha remportaient les élections de l’Assemblée constituante, prévues au 24 juillet mais reportée au 16 octobre par la Haute instance indépendante pour les élections.
M. Rajhi avait aussi parlé de «gouvernement de l’ombre» qui manipulerait le gouvernement provisoire et du «lobby des Sahéliens» (habitants de Sousse et ses environs), qui détiendrait le vrai pouvoir politique dans le pays.
Ces affirmations avaient provoqué des manifestations, début mai, à Tunis et dans plusieurs villes du pays, qui ont été durement réprimées par les forces de l’ordre.

L’immunité judiciaire en question
La source autorisée du ministère de la Défense nationale, qui a annoncé la poursuite de l’instruction de l’affaire Rajhi, se réfère à la décision du Conseil supérieur de la magistrature (Csm), réuni le 21 mai, qui a rejeté la demande de levée de l’immunité du juge Farhat Rajhi, ainsi qu’au retour du dossier de l’affaire à la charge de la justice militaire, pour indiquer que les déclarations de Rajhi, en date du 4 mai, ont été faites alors qu’il n’était pas en exercice de sa profession de magistrat. Elle ajoute que sur la base du principe approuvé par le Csm à propos du domaine d’application de l’article 22 des statuts de la magistrature, le concerné ne bénéficiait pas de l’immunité judiciaire lorsqu’il a fait ses déclarations, ce qui ouvre la voie à sa poursuite devant la justice.
Le communiqué publié samedi par le ministère de la Défense nationale souligne que, sur cette base, la justice militaire appliquera la loi, dans l’indépendance totale, en vue d’éclairer la justice en dévoilant toutes les circonstances et les vérités qui ont entouré les déclarations de M. Rajhi.
La justice devra, ainsi, délimiter les responsabilités de toutes les parties citées par Rajhi, surtout que des voix s’élèvent pour demander à connaître la vérité sur les allégations de ce dernier.
Le Csm avait basé sa décision sur le fait que les déclarations de M. Rajhi étaient une simple analyse personnelle faite alors qu’il assumait une responsabilité politique, et non lors de l’exercice de ses fonctions de juge, argument qui justifie, à contrario, la décision de poursuivre l’instruction de l’affaire Rajhi.

I. B.