Les partis libéraux, de gauche, nationalistes et islamistes s’affrontent de plus belle. Mais la belle de plusieurs partis, sans parti-pris, et qui pose pour tous, s’appelle Asma Naïri. Portrait d’une Marianne, emblème de la révolution tunisienne.


Un phénomène né avec la révolution du jasmin. Car, avant le 14 janvier, la brunette aux yeux noisette et à la chevelure châtain foncé et bouclée n’a jamais existé pour le grand public. C’est un peu comme l’auteur de la célèbre phrase  «Haremna» sur Al-Jazira: elle a été là au bon moment pour capter les flashs des photographes.

Dans le giron islamiste
Lors des manifestations de janvier, Asma Naïri a été souvent prise en photo perchée sur les épaules de ses copains, brandissant le drapeau tunisien ou autres banderoles révolutionnaires. L’image était tellement frappante qu’elle n’est pas passé inaperçue. Plusieurs photographes du monde l’ont mise en boîte, heureux d’avoir pris un instantané révolutionnaire avec un joli minois. Depuis, les images de la belle tournent en boucle sur les écrans des télévisions d’ici et d’ailleurs. Et elle y a pris goût!


Asma manifeste.

Devenue une petite star de la scène politique, elle est souvent invitée dans les meetings des partis, et elle répond toujours présente. Elle est certes plus portée à séduire qu’à convaincre, prenant rarement la parole, mais elle aide ses hôtes à construire une image. Pourquoi pas?
Sa dernière sortie remonte à jeudi dernier. C’était à l’hôtel El Hana de Tunis, lors de la conférence de presse d’un parti. Imaginez lequel? Et bien c’est celui d’Ennahdha qui a révélé, ce jour-là, son logo et ses couleurs. Sa présence aux côtés des dirigeants islamistes a choqué plus d’une personne. Pourquoi? Pour la simple raison qu’elle est moderne, très moderne et son petit look très branché tranche avec l’image que les gens se font généralement des islamistes et de leurs idées sur la fille. Il fallait voir la scène de ses propres yeux pour y croire!

Quand la belle parle…
Comme on devait s’y attendre, les membres du bureau exécutif d’Ennahdha ont été pris d’assaut par des critiques acerbes. Quant à la belle du jour, elle n’a pas bronché. Comment est-ce possible? A quoi joue vraiment Ennahdha? Pourquoi les dirigeants islamistes ont-ils accepté la présence, à l’avant-plan, d’une jeune fille qui ressemble plus à un top model qu’à une militante de la charia? Qu’ont-ils voulu montrer à travers cette scène? Leur modernité? Leur attachement à la liberté de la femme?


Asma Naïri, à droite, sur la tribune avec Hamadi Jebali.

«C’est grotesque», ont lancé des journalistes dans la salle. Une fille non voilée, qui plus est moulée dans son jean et les cheveux lui tombant sur les épaules, dans une assemblée d’islamistes, ça choque! Hamadi Jebali, porte-parole d’Ennahdha, a répondu que son parti est ouvert à tous les Tunisiens et les Tunisiennes sans exception aucune. Quant à la belle, elle a préféré se taire, se contentant seulement de lancer sur l’assistance son regard, ses très beaux yeux contournés de khôl.
Kapitalis a eu avec la jeune fille un brin de causette lors de la pause café. Taille mannequin, grand sourire, elle aime séduire et poser pour les photographes. Mademoiselle est d’ailleurs très photogénique. Mais attention, elle est loin d’être bête! Il suffit de l’aborder pour découvrir, derrière la belle enveloppe physique, une intelligence et une sensibilité qui étonnent. Mademoiselle Naïri dit qu’elle a 22 ans et qu’elle fait un master en criminologie. Elle est la fille d’un couple d’avocats, maître Hédi et Najoua Naïri du barreau de Mahdia, dans le Sahel (littoral centre-est)). Elle fait bénévolement des formations politiques. Et elle est souvent invitée à l’étranger. Son dernier séjour remonte à très peu de temps, elle a participé à une réunion organisée par le Middle East Partnership Initiative (Mepi) au Maroc. De quoi rêve-elle? Asma, la juriste, est très ambitieuse. Elle brigue un poste au Tribunal pénal international de La Haye (Pays-Bas). C’est ça ou rien!

Du karaté à la musique
Même si elle est dotée d’une grande douceur, Asma dit qu’elle a fait du karaté. «Je suis ceinture noire 2ème dan de l’équipe Den Den (Bardo)», nous a-t-elle lancé, comme pour nous impressionner. Elle, d’ailleurs, a toujours fait du sport. Beaucoup de sport. Son corps de nymphe, bien sculpté en témoigne. Pas un milligramme de graisse. Alors lycéenne, elle était une handballeuse au club des Makarem Mahdia, sa ville natale. Mais depuis ses premières années à la fac, elle a voulu enfiler d’autres casquettes. Pendant ses heures creuses, elle fréquentait l’école de musique Errachidia et c’est là où elle a appris à jouer au luth. Le reste de son temps libre, mademoiselle Naïri ne chôme pas. Elle fait de la politique. Depuis 2007, elle milite au sein du syndicat de l’université. Et c’est là où elle a commencé à se frotter aux idées de l’opposition à Ben Ali. Elle a fait la connaissance du Parti socialiste de gauche (Psg) de Mohamed Kilani. Ensuite, elle est partie à la découverte du Parti ouvrier communiste tunisien (Poct) de Hamma Hammami. «Vous êtes un peu partout et vous posez à tous les partis, où vous vous sentez le mieux?», lui avons-nous demandé. «Un peu partout et nulle part. Parfois je me retrouve dans le parti Al Majd qui est très proche d’Ennahdha. Tantôt ailleurs, dans la gauche. Pour le moment, je suis indécise. En attendant de voir les programmes des uns et des autres, je vais me fixer un jour. Mais pour le moment, je sympathise avec tous ces partis. Demain est un autre jour», répond la jeune fille. Son regard devient malicieux et elle se rétracte. «Je vois La Haye devant moi. Je compte faire ma carrière dans ce tribunal. Je dois donc être neutre et n’incarner la couleur d’aucun parti», conclut la fille du couple d’avocats.
A-t-elle fréquenté les militants du Parti démocratique progressiste (Pdp)? Oui, répond Asma. Quelques mois avant la révolution, elle a eu des discussions avec plusieurs de ses militants, notamment Ghassen Reguigui et Wissem Sghaïer. Mais au lendemain du 14-Janvier, ces derniers ont beaucoup changé. «Je m’en suis éloignée, car j’avais l’impression de m’engluer dans un mouvement qui ne correspondait pas à mon profil», explique la jeune fille. Qui sait de quoi elle parle…

Zohra Abid