Le ministre de la Santé publique vient d’effectuer un voyage en Libye d’où il est rentré avec une série d’accords qui donnent une portée stratégique à la coopération tuniso-libyenne dans ce domaine.
Voisin de la Libye, la Tunisie jouit, certes, d’un avantage mais pas de position acquise dans ce pays, malgré le caractère «fraternel » des relations tuniso-libyennes. Cela, M. Mondher Zenaïdi, qui a effectué la semaine dernière une visite de deux jours à Tripoli, le sait parfaitement. Car, l’actuel ministre de la Santé publique – nommé à ce poste en septembre 2007 –, a occupé les fonctions de ministre du Commerce – pendant plus de trois ans –, ce qui lui a permis d’avoir des échanges très suivis et intenses avec notre voisin du sud et de devenir, de ce fait, un fin connaisseur des relations des relations tuniso-libyennes, dont des Libyens. Puisque, le commerce en particulier (la Tunisie est depuis quelques années le quatrième partenaire commercial de la Libye), et l’économie en général constituent le cœur de ces relations.
De nombreux contrats en jeu
Mais s’il sait que rien n’est jamais définitivement acquis et que chacun des deux partenaires – la Tunisie et la Libye – doit faire la preuve de son attachement au développement de cette coopération fructueuse et apporter sa juste contribution à cet effort, M. Zenaidi est convaincu de l’énorme potentiel qui s’offre aux Tunisiens en Libye. A condition qu’ils sachent comment s’y prendre avec nos frères Libyens, à la fierté légendaire. Ce qui implique notamment de ne pas les prendre de haut ; car ce serait plus qu’une erreur : une faute. Et d’abord de goût.
Et, justement, le ministre de la Santé publique a donné, lors de son dernier voyage, l’exemple en faisant preuve de beaucoup de tact dans la manière de positionner la Tunisie dans ce qui ressemble fort à une compétition avec de nombreux autres pays à la prise en charge – avec à la clef de nombreux contrats qui sont en jeu – de la mise à niveau des établissements et des personnels hospitaliers libyens.
Emmené visiter des hôpitaux à Tripoli, M. Zenaïdi a exprimé «sa considération pour le progrès scientifique extraordinaire réalisé en Libye» et déclaré que ces établissements «constituent une source de fierté pour nos deux pays». Une attitude subtile de dire que les Tunisiens ne viennent pas en donneurs de leçons mais pour coopérer avec leurs frères libyens.
Aussi, après avoir grandement contribué à faire des échanges commerciaux tuniso-libyens ce qu’ils sont depuis quelques années – d’un niveau tel (près de deux milliards de dinars par an) qu’ils constituent une exception dans l’espace maghrébin –, M. Zenaidi est en train de jeter les bases d’une très étroite collaboration entre la Tunisie et la Libye dans le domaine de la santé, qui va au-delà du simple accueil et soin de malades libyens dans les cliniques privées tunisiennes.
Lors de son dernier voyage à Tripoli, le ministre de la Santé publique a pu ouvrir la voie à une percée des opérateurs tunisiens en Libye même. Certes, les deux pays collaborent déjà – comme dans la surveillance des maladies contagieuses –, et ils s’en sont déclarés satisfaits à cette occasion, tout en décidant d’aller plus loin, à commencer par ce domaine.
De nouveaux axes de coopération
Ainsi, il a été décidé de créer un «réseau de surveillance et d’alerte» dans le domaine des épidémies, d’échanger expériences et informations au sujet du cancer, de coopérer dans la surveillance sanitaire des produits de santé et alimentaires qui traversent la frontière entre les deux pays, de renforcer les dispositifs de lutte contre les maladies d’origine animale, de former un comité mixte pour unifier les procédures de contrôle des usines de produits pharmaceutiques dans les deux pays, de lutter contre la contrebande et la contrefaçon de médicaments.
Mais le plus important dans les accords conclus concerne la mise de l’expérience de la Tunisie à la disposition de la Libye pour l’aider à réaliser la mise à niveau de ses structures hospitalières et des compétences locales qui y sont employées. A cet effet, les deux parties ont décidé d’organiser dorénavant tous les ans un congrès ou une rencontre scientifique tuniso-libyenne «pour suivre la mise en place de systèmes de qualité des services de santé et de sécurité des malades dans les établissements sanitaires des deux pays », d’«échanger les experts et l’expertise dans le domaine de la formation des infirmiers et des techniciens», de créer un centre de formation tuniso-libyen en Libye destiné aux aides-soignants, et d’encourager l’investissement mixte dans l’industrie pharmaceutique.
Mais comme la Tunisie n’a pas le monopole de ce genre d’accords avec la Libye, il appartiendra aux Tunisiens actifs dans la santé de «transformer l’essai» et de s’imposer dans cette course, où ils devront soutenir la concurrence notamment des Français et des Etats-uniens.
M.L