Le Remdh a publié dimanche à Tunis son rapport sur «la Tunisie d’après le 14 janvier et son économie politique et sociale: les enjeux d’une reconfiguration de la politique européenne».
Le rapport du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (Remdh) a été présenté en présence de Marc Schade-Poulsen, directeur exécutif du Remdh et de Béatrice Hibou, auteur du rapport. Basé sur des recherches approfondies conduites avant la révolution par une équipe d’experts dirigée par Béatrice Hibou, auteur de ‘‘La force de l’obéissance : Economie politique de la répression en Tunisie’’ (2006), le rapport a été examiné, avant sa publication, par un panel d’économistes tunisiens qui en ont fait la critique et pris part à l’élaboration des recommandations.
La déconstruction du ‘‘miracle tunisien’’
Mme Hibou dit qui ce rapport a pour objet «de présenter les enjeux économiques et sociaux auxquels les Tunisiens sont confrontés après le 14 janvier 2011 et de discuter la nature de la contribution de la communauté internationale, et notamment l’Union européenne à cet égard». Pour ce faire, explique cette «spécialiste» de la politique, de la société et de la mentalité tunisiennes, «il est fondamental de mieux connaître l’état réel de l’économie politique tunisienne».
Selon elle, ceci ne peut être atteint que par «la déconstruction du ‘‘miracle économique’’ et de la ‘‘stabilité’’ tunisiens et, en second lieu, par une analyse des reconfigurations du pouvoir et des enjeux socio-économiques après le 14 janvier».
En effet, le Remdh déconstruit dans ce rapport le mythe derrière le soi-disant «miracle tunisien» en démontrant la profondeur des défaillances structurelles que le régime de Ben Ali avait tenté de couvrir pendant plus de deux décennies.
Le rapport fournit des données détaillées sur le taux de chômage élevé paralysant l'économie du pays, le manque d’accès aux soins médicaux de base, les questions liées à la corruption et le nombre impressionnant de jeunes tunisiens qui essayent de joindre les rivages européens à la recherche d’une vie meilleure.
Le rapport met en lumière le fait que les décideurs de l’UE semblent penser que les anciens programmes de soutien social et économique restent valables aujourd’hui et doivent être révisées peu ou pas.
Tout en «se félicitant des débats florissants sur le futur système constitutionnel et politique de la Tunisie», le rapport argumente sur «un besoin pressant» d’affronter les questions liées aux politiques économiques et sociales de la Tunisie.
«Il est assez troublant de voir que les politiques économiques et sociales menées par l’ancien régime restent largement incontestées et que l’UE semble penser que les anciens programmes de soutien restent valables aujourd’hui et ont besoin de peu ou pas de révision», explique le directeur exécutif du Remdh, Marc Schade-Poulsen.
Les recommandations du rapport
L’ouvrage comprend les quatre grandes parties:
- la fiction du «bon élève» du régime de Ben Ali;
- une situation socio-économique alarmante;
- l’absence de débat sur les grandes orientations en matière de politiques économiques et sociales en Tunisie ;
- et, un manque d’autocritique au niveau européen concernant les politiques économiques et sociales.
Les recommandations jointes au rapport insistent sur la nécessité d’affronter des questions telles que la lutte contre la corruption, la promotion du dialogue social, la réforme du système éducatif, la diminution des inégalités entre les régions, la promotion de la participation des femmes au marché du travail, la promotion de la protection de l’environnement et la révision des relations économiques entre la Tunisie et l’UE, y compris la gestion actuelle des flux migratoires.
Le Remdh dit que le rapport, qui est le résultat des efforts et actions du Groupe de Solidarité pour la Tunisie mis en place en 2009, est écrit «pour alimenter le débat au sein de la société tunisienne ».
L’information qu’il contient est recueillie avant et après la révolution, jusqu’à la fin de mars 2011 et a été compilée par une équipe d’experts guidée par la directrice du Cnrs Béatrice Hibou, Hamza Meddeb (chercheur en politique, Ceri), et le chercheur étudiant Mohamed Hamdi.
Les recommandations jointes au rapport ont étés rédigées lors d’une réunion avec des experts tunisiens et des militants de la société civile à Tunis le 16 juin 2011.
Le rapport est rédigé en 84 pages et 3 langues (français, arabe, anglais et espagnol)
Mourad Teyeb