Le parti Afek Tounès a été empêché d’organiser son meeting, à deux reprises, à Mahdia, puis à Gafsa. Les circonstances et les responsabilités restent à élucider. Qui veut arrêter les camarades d’Emna Menif ?
Par Zohra Abid 


Interrogée, dimanche après-midi par Kapitalis, sur les déboires de son parti, la porte-parole officielle d’Afek Tounès (parti fondé le 15 janvier, au lendemain de la fuite de l’ex-président Ben Ali) n’en revenait pas. Elle était dans la voiture, sur le chemin de retour vers Tunis, quand elle nous a raconté au téléphone ce qui s’est passé samedi à Mahdia et dimanche à Gafsa.

Qui veut nuire aux militants ?
«Comme nous allions présenter un programme culturel, nous avons demandé et obtenu l’autorisation du ministère de la Culture pour organiser nos réunions dans des espaces culturels à Sousse, Djerba et Mahdia. A Sidi Dhahri, à Sousse, tout s’est bien passé. Jeudi à Houmet Essouk, à Djerba, nous n’avions eu aucun ennui. Mais les choses ont mal tourné, samedi, à Mahdia et aujourd’hui à Gafsa», raconte Mme Menif.
Que s’est-il passé au juste, et d’abord dans la capitale des Fatimides? Réponse: «A Mahdia, nous avions eu des problèmes d’ordre administratif. L’administration du Borj, où nous avons projeté d’organiser notre réunion, nous a dit, au départ, qu’il n’y a pas d’estrade. Nous nous sommes débrouillés pour amener une estrade. Ensuite, ils nous ont dit qu’il n’y avait pas d’électricité parce que la facture de la Steg n’avait pas été payée depuis un an. Pour surmonter ce nouvel obstacle, nous avons procédé au payement de la facture. On a exigé ensuite le payement d’une assurance. Ce que nous avons fait. On pensait que tout était dans l’ordre. Ce n’était pas le cas. A notre arrivée à Mahdia, le ministre de la Culture, qui nous avait délivré une autorisation en bonne et due forme, est revenu sur sa décision et il a envoyé à notre siège à Tunis un courrier  où il explique que l’autorisation était une erreur».
Au final, le meeting n’a donc pas pu avoir lieu au Borj. Mais devant le Borj, en plein air. Mme Menif ajoute un détail assez surprenant. «Dans sa lettre, le ministre va plus loin en mentionnant qu’il avait subi des pressions et que le meeting doit être annulé», dit la porte-parole d’Afek Tounes, qui se pose des questions sur l’identité et les mobiles de la partie (ou du parti) qui a exercé des pressions, qui plus est, sur un membre du gouvernement, au point de l’obliger à revenir sur une décision déjà prise.

La volte-face du ministre de la Culture
Ce qui s’est passé dimanche à Gafsa n’a, apparemment, rien à voir avec une quelconque administration et encore moins avec le ministre de la Culture. Et pour cause : la salle où devait se tenir le meeting appartient à un privé. Récit des événements par Mme Menif: «Quand nous sommes arrivés à Gafsa, nous avons appris que les affiches avaient été déchirées la veille. Le propriétaire de la salle  louée et payée d’avance a affirmé avoir reçu des menaces: s’il nous laissait faire le meeting, sa propriété serait mise à feu. Un groupe d’une quinzaine de personnes est venu protester et dire que nous représentons l’ancien parti au pouvoir».
Les manifestants ont agité des banderoles frappées du slogan «Yassine Ibrahim dégage» en allusion à l’ancien ministre du Transport. Ce dernier, qui a rejoint Afek Tounes après son départ du gouvernement, avait effectuée, en mai dernier, une visite dans le gouvernorat de Gafsa. On lui reproche de n’avoir pas donné suite aux revendications de protestataires rassemblés devant le gouvernorat pour réclamer des permis de taxi. Autres slogans scandés: «Non au Rassemblement, non à Afek, bande de voleurs!» et «Pas de retour et pas de liberté à la bande du Rcd !».
Une heure après le départ de la délégation d’Afek Tounes de Gafsa, ses membres ont appris que des militants du parti à Gafsa ont été menacés à leur sortie d’un café et suivis jusqu’à chez eux par la même bande. Heureusement que des personnes raisonnables sont intervenues pour calmer les esprits et éviter que la situation dégénère. Rien de grave ne s’est certes passé, mais le pire aurait pu arriver, sans que des agents de sécurité n’interviennent pour protéger les militants d’Afek Tounes, déplore Mme Menif. «Mais le plus grave, ajoute-t-elle, c’est que ces gens ont refusé catégoriquement tout dialogue. Face à ce refus du débat, je me demande comment allons-nous construire la démocratie. Comment allons-nous réaliser la démocratie et la prospérité sans dialoguer librement et sans nous écouter les uns les autres? C’est ça qui m’inquiète le plus. Il y a des choses qui se passent dans le pays et qui visent à y empêcher l’instauration de la démocratie», conclut-elle.
«Dans sa lettre, le ministre de la Culture justifie l’annulation de l’autorisation qu’il nous avait accordée par sa volonté de laisser les espaces culturels en dehors du jeu politique. Or, c’est souvent dans des maisons de culture que se tiennent généralement les meetings des autres partis politique. C’est aussi dans des espaces culturels que nous avons organisé les nôtres, quelques jours auparavant, à Sousse et à Houmet Souk», s’interroge Mme Menif.
La porte-parole préfère n’accuser aucune partie et aucun parti d’être derrière les mésaventures de son parti, mais elle se demande qui a vraiment le bras très long au point de faire pression sur un membre du gouvernement ou envoyer des jeunes saboter une réunion politique. Quels sont ses motivations? Et Pour qui roule-t-il? Mystère et boule de gomme…