Il n'y a que les Tunisiens qui ne croient plus à leur révolution. Vu de l’extérieur, le pays offre un visage beaucoup plus rassurant. Celui d’un monsieur de 84 ans, vieux routier de la politique, pimpant de santé et à l’esprit vif et tranchant…


Nos confrères de ‘‘La Provence’’, qui ont été impressionné par le Premier ministre du gouvernement provisoire, lui ont consacré un article assez laudatif. Il faut dire que sa participation, dimanche, à la rencontre du Cercle des économistes à Aix-en-Provence, au sud de la France, n’est pas passée inaperçue. Les confrères ont loué la «fraîcheur d’esprit» de notre Caïd Essebsi national et son «analyse enlevée». Nous reproduisons ici l’article de Thierry Noir. Pour l’histoire… Et, surtout, pour le moral.

Standing ovation, hier, dans l’amphithéâtre Portalis de l’université d'Aix: les participants aux Rencontres économiques, debout, ont longuement applaudi Beji Caïd Essebi. Le Premier ministre tunisien, de retour d’un périple dans les pays du Golfe, a décidé presque au dernier moment de faire un détour par Aix.
Étonnant de fraîcheur d’esprit malgré ses 84 ans, Beji Caïd Essebi a dressé une analyse enlevée de la situation qui prévaut dans son pays. Un pays voisin, un pays presque riverain, dont l’évolution politique, économique, culturelle et religieuse nous concerne donc au premier chef.
«Nous avions le choix entre la chienlit, comme disait le général de Gaulle, et la voie vertueuse et les Tunisiens ont choisi ce chemin», a estimé le chef du gouvernement de Tunis. L’homme ne s’est voulu ni trop optimiste, ni trop alarmiste.
Il n’a pas évoqué la soi-disant montée de l’extrémisme religieux dans son pays, mais il a noté que celui-ci est «presque au bord de la faillite. Notre croissance est proche de zéro et nous avons 700 000 chômeurs». Dont la plupart sont diplômés, ce qui fut d’ailleurs l’une des causes de la Révolution. «Nous avons gagné la bataille de l’intelligence, il nous reste à gagner la bataille de l’emploi», a-t-il ajouté. Plus tard dans la journée, il devait confier que le départ des Ben-Ali/Trabelsi qui avaient mis le pays en coupe réglée n’avait pas bousculé structurellement l’économie de la Tunisie : «Ils n’avaient pas d’activité économique, ils avaient des profits, qu’ils prélevaient sur la bête».

«Répondre à l’urgence. Assurer la transition. Préparer l’émergence.»
Beji Caïd Essebi a développé le plan du gouvernement de Tunis en trois points: «Répondre à l’urgence. Assurer la transition. Préparer l’émergence». L’urgence, c’est de donner à manger à ceux qui meurent de faim, leur donner du travail. Il veut aussi rééquilibrer les infrastructures dans le pays, développer l’intérieur de la Tunisie, qui était laissé pour compte sous l’ère Ben Ali au profit de la zone côtière et qui s’est le premier dressé contre le dictateur. D’une manière très diplomatique, il a laissé entendre que les sommes promises par le G8 pour soutenir la révolution et éloigner le spectre d'une montée en puissance de l’intégrisme n'avaient pas encore été débloquées.
Il ne partage pas, en revanche, l’optimisme béat contenu dans l’expression utilisée en Occident de «printemps arabe». «Il y a un printemps de Tunis, et encore, une hirondelle ne fait pas le printemps», a-t-il dit, «mais la Libye est en guerre, la Syrie est en guerre, et en Égypte c’est l’armée (qui est au pouvoir Ndlr)». Donc pour lui, «ce ne sera le printemps que si nous réussissons».
Mais Beji Caïd Essebi en est convaincu: une nouvelle ère s’ouvre «il y a eu l’ère de la colonisation mais heureusement, colonisé et colonisateurs ont viré leur cuti. Il a eu l’époque des indépendances, celle non pas des États mais des chefs d’États, qui ont exploité leur pays et leur population. S’ouvre maintenant l’ère des peuples, qui doivent avoir droit à la parole.» Ça méritait bien une standing ovation.